mardi 7 septembre 2010

L'Homme qui murmurait à l'oreille des 4x4

Dramatis Personae
Vincent Desgrippes : Héros. Sexy, intelligent et drôle. A le pouvoir de dire ce qu’il veut sur son blog.

Hugo Gabignon : Français (Toulouse), étudiant en échange à L’Université du Texas (UT). Aime les ordinateurs, le sport, et les hamburgers. Palmarès : a mi Vincent Desgrippes K.O. en lui explosant un testicule. Est également en recherche d’une personnalité (d’où l’achat de nombreux articles similaires à ceux de V.D.)

David Bastide : Français (Toulouse), ami d’Hugo, étudiant en échange à UT. Aime les ordinateurs, Star Wars, et les hamburgers. Caractéristique particulière : très grand.

Céline Liu : Française (Toulouse), amie d’Hugo et David, étudiante en échange à UT. Aime les ordinateurs, la physique, mais pas trop les hamburgers. Caractéristique particulière : très petite.

Chapitre V : L'Homme qui Murmurait à l'Oreille des 4x4.

Revenu la veille de Houston, je me rends à une réunion d’information pour les étudiants en échange à Austin. J’y retrouve la coordinatrice des échanges internationaux, Kirsten Koester, avec qui j’avais échangé de nombreux mails avant mon départ. C’est elle qui va mener la réunion, en nous expliquant toutes les choses à savoir quand on est un étudiant étranger à UT.
Quelques chiffres : nous sommes 277 étudiants en échange à UT ce semestre. Ce qui peut paraître un beau nombre, surtout quand nous sommes tous réunis dans la même salle. D’un coup on se sent moins exceptionnel…

- « Hey j’suis français ! T’as vu comme c’est cool ?!
- Ah ouais ? moi J’viens de Nouvelle Zélande.
- Moi d’Australie !
- Japon !
- Népal… »

On a tout de suite l’air moins cool face à la concurrence. Le bon côté des choses est qu’il y a 50 000 étudiants Américains à UT, donc au final on a assez peu de chance de se retrouver tous dans la même classe et de ne plus être aussi méga cool qu’on le voudrait. Aussi, la moitié des étudiants en échange viennent d’Asie, ce qui rend les européens encore plus rare. 25 Français en tout, et je pense en avoir rencontré une bonne moitié, mais je n’ai aucun cours avec eux, et les rares fois où je retrouve d’autres étudiants internationaux, ils sont souvent asiatiques (ce qui me va très bien, ici les asiatiques sont tout sauf exceptionnel… et en plus ils se ressemblent.)

Bref, revenons à cette réunion d’information. En rentrant dans la salle, Gustave (un français que j’ai eu l’occasion de rencontrer à un diner franco/américain organisé par l’organisme d’échange parisien) me reconnaît et me fait signe. Je me retrouve rapidement entouré de français, ce qui est loin d’être mon intention première : après tout, j’ai pas fais 8000 kilomètres pour faire ami ami avec des gens habitant dans la même ville que moi !

Du moins, c’est ce que je me disais, mais après une semaine sans prononcer un mot de français (ou alors en m’excusant rapidement après et en rajoutant la traduction anglaise) un peu de francophonie n’est pas de trop… et puis rien de m’oblige à devenir leur pote.

Et pendant toute la durée de la réunion je m’en sors pas trop mal. Je fais quelques connaissances, mais reste assez reclus dans ma rangée de derrière pour ne pas donner aux autres trop d’opportunités pour devenir pote (après tout, c’est chiant de tourner la tête pour parler).

Parmi les points abordés dans la réunion, Kirsten nous parlera notamment du système de santé américain, et du fait que si on a un problème, quel qu’il soit, ça risque de devenir rapidement très chiant, et surtout très cher. Exemple : une journée à l’hôpital peut rapidement coûter 10 000 dollars (7800 euros), qui sont certes en partie remboursés par l’assurance française… quand on leur envoi les papiers. Ce qui signifie que c’est à nous de payer avant (prévoir de cambrioler une banque en cas de maladie).
Bref, la conclusion de cet exposé a été simple : ne pas tomber malade pendant un an. Ne pas finir à l’hôpital. Ça devrait être simple.

**** FLASH FORWARD ****
12 heures plus tard, un peu avant minuit, je suis sur mon vélo, entrain de descendre rapidement une côte pour rentrer chez moi. Je viens de quitter mes nouveaux potes, et suis assez euphorique au souvenir de cette rencontre. Ce semestre risque d’être encore mieux que prévu. La voiture devant moi n’avance plus. Il est trop tard pour freiner, j’essaye de l’éviter, mais je la percute à pleine vitesse de tout mon côté droit. Je vole sur la route, heurte le sol et roule sur quelques mètres. Tandis que la porte du véhicule s’ouvre, mes pensées sont concentrées sur trois points : choc, douleur, sang.
**** END OF THE FLASH FORWARD ****

Simple comme bonjour même !

Je remarque rapidement que les Français sont parmi les seuls à parler pendant certaines présentations… ce qui ne me rend pas très fier. En revanche, trois étudiants juste devant moi ne bronchent pas, sauf pour se murmurer quelques observations. Ils se retournent parfois en rigolant lors de certaines de mes remarques, ce qui leur fait rapidement gagner des points.

Aussi, au moment de quitter la réunion (tout le monde fait la queue pour payer 12 dollars ce qui sera le barbecue le plus cher et le moins fourni de l’Histoire des Etats-Unis), je m’arrange pour me retrouver près de leur groupe. La conversation s’engage rapidement : ils sont tous les trois dans la section « engineering », deux d’entre eux dans les ordinateurs, et la troisième en physique (j’espère ne pas me tromper, sinon je vais me faire taper). Bref, je viens de rencontrer Hugo, David et Céline, étudiants toulousains, et je ne m’en rends peut-être pas compte sur l’instant, mais cette rencontre sera l’événement déclencheur d’une réaction en chaine ayant pour conséquence des moments d’intense joie, d’aventure, et l’extinction de l’univers que nous connaissons aujourd’hui. Quoi que j’exagère peut-être un petit peu sur ce dernier point.

Céline, Hugo et David, heureux de perdre au bowling.

Le fait est qu’une nouvelle connaissance Coréenne (ils sont partout j’vous dis), colloc’ de Céline, nous demandera sur les coups d’une heure de l’après midi depuis combien de temps nous nous connaissons. Elle rigolera lorsqu’on lui répondra « deux heures », et ne comprendra que le soir même que nous ne lui faisions pas une blague. « Mais vous avez l’air de vous connaître et vous entendre tellement bien ! ».

Avant que je quitte la France, plusieurs de mes proches m’ont assurés que je m’attirerais des personnes qui me correspondent. Bien sûr, je l’espérais, mais je n’aurais pu imaginer que cela serait à ce point. Après toutes ces rencontres sympathiques mais somme toute superficielles, me sentir tellement à l’aise dans un groupe quelques heures à peine après l’avoir rencontré me rempli d’une joie incrédule.

Car après tout, je sais que je ne suis pas quelqu’un de facile à vivre pour la jeunesse actuelle : Pas d’alcool (- Oh my Gooood ! But whyyyyy ? – Because it doesn’t interest me to drink… and you can call me Vin’s), pas de cigarette, et pas de cigarettes qui font rigoler. Pas de soirées en boites non plus d’ailleurs, ni d’affections particulières pour les bars bruyants et les cocas de 25cl à 4 euros (bien qu’ici ils soient à 1.50 dollars avec remplissage à volonté).

Bref, je suis probablement le pire étudiant du monde concernant les critères d’amusement moderne, mais j’en tire une certaine fierté. Aussi comme vous vous en doutez, c’est pas super évident de fraterniser avec l’étudiant moyen venu à Austin pour rejoindre les Fraternités (Grandes maisons gérée par des étudiants, très difficile à intégrer (critères d’intégration particuliers demandés, l’un des principaux devant être de boire plus que son poids en alcool), et organisant de grosses fêtes à peu près tout le temps).

Mais comme je vous le disais, sur le moment, je ne me rendais pas encore compte que je venais de rencontrer des spécimens ayant plus ou moins les mêmes goûts que moi. Nous nous décidons rapidement à aller manger dans une cantine tex-mex, où en gros on choisit le type de plat (tacos, burritos, fajitas… pour les différencier c’est assez simple : les tacos vont toujours par deux ou trois et sont de petites galettes qu’on remplit d’ingrédients délicieux, le burrito est une grosse galette pleine d’aussi bonnes choses (mais du genre énorme, pour s’en rappeler faut juste se dire que le burrito bourre), et les fajitas sont des galettes moyenne que l’on remplit également nous-mêmes d’encore plus excellentes choses) et ensuite l’accompagnement. Bref, nous testons tous un plat et partageons nos impressions. Avec mes trois tacos je suis le seul à finir mon repas, assez lentement ceci dit, ce qui nous laisse le temps de faire plus ample connaissance.

Hugo m’apprends qu’il est possible de réserver des salles dans le gymnase du campus pour jouer à différents sports, du coup nous décidons d’en réserver une pour la soirée et de jouer au racketball avec nos deux compères francophone et une poignée de Coréennes (le Racktball ressemble au squash, sauf que la balle rebondit beaucoup plus). Mais n’ayant pas de vêtements adéquats, Hugo et moi nous rendons dans un magasin de sport sur Guadalupe.

La moitié des vêtements fournis sont à l’effigie du Longhorn, ce taureau à longues cornes emblème de l’université. Il est impossible de se promener sans rencontrer quelqu’un portant un tee-shirt ou une casquette le représentant… d’ailleurs Hugo s’achète une tenue de sport complète marqué du sceau des longues doubles cornes du « Bévo ».

Petite observation intéressante : en France, je porte du L. Ici, je pourrais rentrer deux fois dedans. Et probablement inviter une ou deux amies. Je suis contraint d’essayer du S pour trouver un tee-shirt à ma taille… sachant qu’il n’y avait pas de taille en dessous… pourtant, malgré l’idée que l’on pourrait s’en faire, il y a assez peu de personnes en surpoids à Austin, l’étudiant moyen est bien proportionné, et faire du sport est une activité très répandue. Alors pourquoi les personnes d’un gabarit inférieur au mien devraient s’habiller au rayon enfant ? Mystère… bien que j’ai perdu 3 kilos depuis mon arrivé, je n’ai pas non plus la peau sur les os… enfin, pas complètement. (Il va falloir que je commence sérieusement à penser à ce régime à base de hamburgers.)

Nous terminons ce petit moment de shopping par l’achat de belles chaussures de sport (où Hugo, très certainement en manque de personnalité, n’a pu s’empêcher de prendre les mêmes que moi) et nous dirigeons ensuite vers le gymnase pour une petite visite. Je suis le seul des deux à n’y avoir pas encore mis les pieds, et lorsqu’Hugo me prévient que pour me faire une idée de sa taille, je dois imaginer quelque chose d’immense, et que ça sera encore plus grand, j’imagine en effet quelque chose d’immense, en étant persuadé que ça ne peut pas être plus grand.

Mais à Austin, dès qu’il est question de taille, tant qu’on ne l’a pas vu soi-même, on ne peut pas l’imaginer. Et en effet, ce gymnase, je ne pouvais tout simplement pas l’imaginer.

En tant qu’étudiant, nous y avons accès tous les jours de 6 heures du matin à 1 heure… du matin. Nous pouvons réserver les salles tant qu’il n’y a pas de cours, et emprunter le matériel nécessaire au jeu. Le complex est constitué d’un grand hall menant à toutes les salles. Sur notre droite, nous avons accès aux 10 salles de racketball, les unes à côté des autres, où des spectateurs peuvent se loger sur les hauteurs pour voir les étudiants ou professionnels jouer. Les murs de certaines salles sont même constitués de plastique transparent, et l’une de gradin.

Sur notre gauche, nous avons accès à la salle de musculation. Là je m’attendais au même genre de salle dont dispose Paris 8 : relativement petite, basse de plafond, tout en longueur, avec une ou deux machines de chaque sorte. La salle de muscu d’UT est de la taille d’un grand gymnase, avec un champ d’appareils de musculation en tout genres. Mon appareil photo dispose d’un grand angle, et pourtant je n’ai pas pu la prendre en entier d’un seul coup.





Lorsque nous montons les marches menant à l’étage, nous tombons sur la gauche sur un immense gymnase, séparé par trois grand filet blanc qui délimitent trois terrains de basket, ou 6 terrains de volley, au choix. De grands gradins sur les côtés permettent d’en faire une salle accueillant les grands matchs de volleyball interuniversitaire (UT faisant régulièrement parti des finalistes). Au fond se trouve une longue estrade sur laquelle trônent 6 tables de ping pong.



Lorsque nous retraversons le hall, nous tombons sur un nouveau gymnase… deux fois plus grand que le précédent, et possédant donc 6 terrains de basket, ou 12 de volley. Pas de gradin ici, mais une piste de course de compétition en hauteur entourant les terrains au sol.




Les vestiaires sont assez grands pour accueillir une armée d’étudiants avides de suer corps et âme dans le but de se forger une silhouette digne d’Apollon, et lorsque l’on sort de l’autre côté, c’est là que j’ai commencé à sérieusement douter de ma santé mentale: une grande piscine de longueur entouré de transats, précédent une grande piscine de détente, style Club Med… précédent la piscine sportive possédant un filet de volley et des paniers de basket. Oh, et j’oubliais le jacuzzi. Et la grande piscine intérieure. Et le saunât. Et je ne plaisante pas.


Des petites crises de rire d’incrédulité me prennent au fur et à mesure que je découvre tous ces éléments à la disposition complète des étudiants. J’avais entendu dire que UT était la première fac des Etats-Unis concernant le sport, et aujourd’hui je commence à comprendre pourquoi. Les couloirs du gymnase sont décorés de centaines de photos synonymes de victoires pour différents sports, des vitrines pleines de coupes en tout genre rappellent constamment aux étudiant qu’ils s’entrainent dans un gymnase de winners… et les incitent à en faire partie.

L’heure tourne et nous retrouvons rapidement nos camarades pour découvrir ensemble le racketball. Nous sommes 7, et avons donc réservé deux salles. Pour ceux ne connaissant ni le racketball ni le squash (ce qui était mon cas), c’est un sport de raquettes pouvant se jouer à 2, 3 ou 4, dans une petite salle fermé où tous les murs (y compris le plafond) font partie du jeu. Le but étant (lorsque nous ne connaissons pas les règles, ce qui est notre cas) de faire rebondir la balle le plus fort et le plus virilement possible dans tous les coins de la pièce, puis de pousser quelques cris de bêtes en frappant des mains sur le sol. Après plusieurs mois sans sport, nous nous accordons sur le fait que cela fait un bien fou.

Dès le lendemain, Hugo et moi essayerons de jouer selon des règles trouvées sur internet, ce qui donne clairement un nouvel intérêt au jeu. En revanche, probablement frustré par sa défaite lors du premier set, Hugo ne pourra s’empêcher d’utiliser un vicieux rebond sur un mur de la pièce pour m’atomiser le testicule gauche. Et il me semble ne jamais avoir reçu un coup à cet endroit avec une telle force... et une telle précision. Lorsque l’on dit de viser les bijoux de famille lors d’un combat, c’est pas des conneries ; il est clairement impossible de bouger de la position fœtale pendant les premières minutes, et également impossible de marmonner autre chose que « putain… » « aaaaah… » et « aaaah putain… » pendant celles qui suivent. J’ai clairement été knock out pendant 45 minutes, ce qui a terminé le match, avec pour conséquence ma volonté de prendre ma revanche le soir même au bowling… Hugo ne perdait rien pour attendre… le bowling est un sport où je sais être très précis aussi…

Mais revenons à la journée précédente, et notre partie de racketball dont je suis sorti avec une virilité intact, voir même renforcée (une légende rependue parmi l’étudiant moyen est de croire que taper fort dans une balle devant une fille pour l’impressionner renforce le taux de globules masculines dans le sang… c’est partiellement vrai.)

Nous nous dirigeons vers un fast food nommé Whataburger pour déguster un gros hamburger bien mérité. Il me semble qu’aucun de nous n’arrive à terminer son repas, ou alors très difficilement. Nous testons les différentes boissons disponibles dans le « free refill », et échangeons à nouveau nos impressions sur les hamburgers choisis. Encore une fois ici, la liste de choix était longue comme nos bras réunis, j’ai donc à nouveau demandé lequel était la spécialité du restau… étrangement, c’était à nouveau le plus cher… mais encore une fois, ça valait le coup.

Nous nous séparons ensuite, avec la promesse de se retrouver le lendemain matin à la piscine de l’université, et éventuellement y jouer un peu de volley.

J’enfourche mon vélo, l’esprit clair et heureux. Pour la première fois, je viens de me faire de vrais potes, et à la fin de cette journée nous avions l’impression de nous connaître depuis des années.

Je perds mon sourire lorsque je me rends compte que le gros 4x4 devant moi n’avance plus. Je n’ai plus le temps de freiner, alors j’essaye de l’éviter en donnant un coup de guidon vers la gauche, mais la vitesse accumulée par la descente dans laquelle nous nous trouvons m’empêche de dépasser l’arrière du véhicule. L’avant du vélo frôle le clignotant arrière, et le dépasse, mais tout le côté droit de mon corps percute violemment la voiture, et la vitesse me fait m’envoler par-dessus mon vélo. Je heurte la route au niveau de la portière du conducteur et roule quelques instants par terre. Par chance, il est 23h, et aucune voiture n’arrive derrière au moment de l‘impact.

Ma première pensée n’est pas « j’espère que je n’ai rien de cassé », qui est ma deuxième pensée. Ma première pensée, très stupidement, survient lorsque le conducteur ouvre sa portière : je me demande alors si il va m’engueuler, car je n’ai aucune idée de ce qui vient de se passer : pourquoi cette voiture s’est-elle matérialisée à l’arrêt devant moi ? Est-ce de ma faute ?

Le temps que le conducteur descende, je fais un rapide check-up : j’ai mal un peu partout, mais rien ne semble cassé. Ma tête n’a heurté ni la voiture, ni le sol. Mon bras et ma jambe droite sont douloureux et couverts de poussière noire, mais par chance mes mains ne sont que légèrement égratignées. Je me relève en tremblant, prend mon vélo encore gisant au milieu de la route et boitille jusqu’au trottoir. Entre temps j’entend le conducteur s’exclamer avec un accent mexicain « I’m so sorry, are you alright ? ». Bon, premier point positif : il va pas m’engueuler.

Je lui réponds rapidement que oui, je me sens bien. Encore tremblant du choc, mais plutôt bien. Je pense même reprendre immédiatement la route, vu qu’il ne reste que 5 minutes jusqu’à chez moi, j’aurai le temps de faire l’inspection des dégâts sur place. Cependant, le conducteur, se présentant au nom de Virat, m’en empêche et me demande d’attendre quelques minutes pour être sûr que je vais bien. Et il a fichtrement raison, car trente secondes plus tard, je commence à me sentir mal. Il remarque que j’ai une plaie à la jambe que n’avais pas vu. Elle saigne un peu et semble profonde, avec plein de terre dedans.
A ce moment, je me sens de moins en moins bien, et il me propose alors de me chercher quelque chose à boire, ce que j’accepte rapidement. J’ai besoin de sucre ; je suis entrain de faire un malaise.
Probablement le fait de réaliser que je viens d’avoir un accident, que je suis blessé… bref, le contre choc, et il est pas génial à vivre : je me sens nauséeux, ai la tête qui tourne et l’envie de vomir qui monte. Il me fait asseoir à l’avant de son 4x4 le temps d’aller acheter une boisson, durée pendant laquelle je fouille dans mon sac à dos pour en sortir un sac plastique (si je dois vomir, autant que ça soit le plus dignement possible).

Au final, mon estomac arrive à contenir la révolte de Whataburger furieux, et les minutes passant je me sens de mieux en mieux. Il revient rapidement avec un smoothie et des barres de céréales, s’excusant à nouveau plusieurs fois. Apparemment, un piéton a traversé devant lui sans utiliser de passage piéton, et il a donc freiné en prévention sans vérifier s’il y avait quelqu’un derrière. Il se sent responsable, ce qui me va très bien, et propose de m’amener à l’hôpital, ce que je refuse vigoureusement : la leçon reçu le matin même a servie, pas question de payer ! Mais il dit que les frais seront à sa charge, ce qui est très généreux de sa part. Virat le Gentleman, Virat le Généreux. Il n’empêche que je n’ai pas envie de passer les heures suivantes dans un hôpital pour une blessure à la jambe. Je l’examinerais moi-même, et si j’estime qu’il y a besoin de l’avis d’un docteur, j’appellerais mon nouveau super pote pour payer tout ça, ce qui (selon ses dires) lui ferait vraiment plaisir. Virat le Sauveur.

Il met mon vélo dans son coffre et me dépose chez moi, insistant à nouveau pour que je l’appelle si jamais je devais avoir une quelconque dépense.

Une fois chez moi, avant de nettoyer la plaie, je veux en prendre une photo, en souvenir. C’est là que je me rends compte que mon réflex numérique n’est plus dans mon sac. J’essaye de me rappeler où j’ai pu le mettre, puis me remémore l’accident : j’ai tout d’abords fouillé dans mon sac sur le trottoir pour y chercher un sac plastique, puis dans sa voiture. J’ai du déposer l’appareil photo dans l’urgence des recherches… pitié, pas sur le trottoir…

J’appelle Virat en urgence, lui demande s’il voit un appareil photo à côté de lui. « Let me see… actually, yes ! It’s here ! I’ll bring it back to you right now. » Virat L’Honnête Homme.

Une fois ma photo prise, je regarde ma plaie d’un peu plus près : elle est vraiment sale, et profonde. Je pensais disposer des produits nécessaires à la nettoyer, mais après un premier passage je vois que ça va clairement pas être assez. Une rapide recherche google, et je vois qu’une pharmacie se situe à 10 pâtés de maison de chez moi. Sachant que les pharmacies sont ouvertes 24h/24, je m’y rends à pied, ce qui me prend une quinzaine de minutes.

Pendant ce trajet, je repense un petit peu à l’accident, et des détails commencent à me revenir. L’un d’eux m’amuse tout particulièrement : un SDF m’a vu percuter la voiture, et s’est aussitôt dirigé vers nous. Il est arrivé à mon niveau au moment où j’ai commencé à me sentir très nauséeux. Il m’a alors demandé si j’allais bien. N’ayant pas envie de rentrer dans les détails, je hoche la tête et lui répond que oui. Il enchaine aussi net en disant « Ok cool. T’aurais pas un peu de monnaie par hasard ? ». A ce moment là, cela fait une minute que je viens de percuter une voiture, sur laquelle je m’appuie difficilement, je suis sans doute blanc comme un linge, entrain de saigner et avec une forte envie de dégueuler, et ce mec se pointe et me demande mon fond de porte feuille. Sur le coup ça ne m’amuse que très moyennement, et je refuse avec un petit peu d’incrédulité dans la voix… ce qui ne l’empêche pas de s’en retourner vers Virat pour lui demander à son tour quelques pièces. Une demi heure plus tard, cela me met de très bonne humeur tandis que je rejoins la pharmacie.

Une fois sur place, j’achète un puissant désinfectant, et une crème de soin sensée nettoyer la plaie. Je me perds dans les rayons de cette pharmacie géante ressemblant à un supermarché, où le client met lui-même les produits dans son panier.

J’achète également une boite de pansement waterproof, avec en tête l’idée de la piscine du lendemain.

*** ÂMES SENSIBLES, PASSEZ LES 3 PARAGRAPHES SUIVANTS ***

De retour chez moi, je me mets à nettoyer consciencieusement ma plaie. Hors de question qu’en plus de me bouffer une bagnole j’ai à subir une infection ! ça m’ennuierait particulièrement de me faire couper la jambe. Je rase tout d’abords à la tondeuse toute la partie entourant la plaie, pour éviter que des poils ne se collent constamment à l’intérieur. Des morceaux de peau et de chair pendouillent à certains endroits, particulièrement peu élégants, et je n’ai aucune envie qu’ils se mettent à cicatriser pardessus, surtout que leur couleur a viré au noir. Je stérilise donc un puissant ciseau neuf, et après deux grandes inspirations je coupe les deux morceaux indésirables.

Je me souviens que 6 ans auparavant, lors d’une opération similaire sur une surface beaucoup plus petite, l’idée seule de me faire couper un bout de chair au ciseau par une personne non qualifiée m’avait donné un léger malaise. Aujourd’hui, je souris devant le sang froid qui m’occupe. Le fait de manier le ciseau m’aide à me sentir maitre de la situation, et aucun malaise n’essayera de s’infiltrer en douce.
Je place ensuite ma jambe dans la baignoire, et utilise le désinfectant à la manière d’un jet directement sur la plaie, faisant mousser les parties sanglantes. Vient ensuite le moment qui m’inquiète le plus : le nettoyage. Bien entendu, un jet ne suffit pas à nettoyer tout ce qui s’est incrusté à l’intérieur, et il va donc falloir que je frotte fort pour vider la plaie de la moitié de route qui y a élu domicile. Je commence par retirer un à un les poils coupés tombés dedans, ce qui n’est pas la partie la plus réjouissante (fouiller dans une plaie à la recherche de poil incrustés dans le sang avec pour seule pince des ongles plus où moins longs). Une fois ceci fait, je frotte vigoureusement, pendant une dizaine de minutes, à la manière d’un collectionneur nettoyant sa belle Porsche. Bien sûr, ma plaie est loin de ressembler à une Porsche (elle n’a pas de roues), mais une fois l’opération terminée, je suis plutôt fier de moi. J’y applique finalement la crème magique, et vais me coucher en me disant qu’en fonction de la couleur qu’aura la blessure le lendemain, j’irais peut-être à la clinique de la fac, juste pour être sûr que j’ai bien fait tout ce qu’il faut.

*** FIN DU PASSAGE SENSIBLE, LES MAUVIETTES PEUVENT RECOMMENCER A LIRE ***

Je m’endors assez rapidement, mais me réveille sur les coups de 4 heures à cause de la douleur. Une poignée d’heures plus tard, je me lève, et vérifie les dégâts. Je ne sais pas si je dois être fier ou inquiet de mon œuvre ; il y a là toutes les couleurs de l’arc en ciel, plus le blanc. Je me décide finalement à aller à la clinique de la fac, tant pis pour la piscine.

Une fois dans le bâtiment médical, une rapide discussion avec une secrétaire et quelques formulaires remplis plus tard, je me retrouve dans une pièce avec deux infirmières m’appelant « Darling », « sweet heart » et « dear » et une charmante doctoresse. Toutes s’accordent à dire que j’ai fais du très bon boulot, mais qu’il faudrait faire une piqure de tétanos au cas où (mon fichier n’indique pas de piqure récente) et brosser un peu la plaie pour essayer de faire sortir ce que l’on prend pour un débris (sur lequel je me suis acharné la veille sans arriver à le faire sortir).

Je me prépare à subir un calvaire lorsqu’une infirmière sort une éponge rugueuse d’un sachetnplastique, et m’amuse en voyant l’autre essayer de me distraire en me massant délicatement l’épaule au niveau de la piqure et me racontant ses vacances en ski dans les alpes. Au final, ni mon égo ni ma virilité n’auront soufferts de ces 5 minutes de brossage, juste ma jambe, mais serrer les dents et contrôler ma respiration aura été suffisant pour prévenir tout cri de fillette. Le plus drôle dans tout ça est que le débris n’en était pas un, juste une coloration de la peau après un frottement. Haha. Ce qu’on peut se marrer dans la clinique de la fac.

Drôle aussi le moment où je vais payer ma note. Durant l’année scolaire, voir un médecin à la clinique ne coûte que 5 dollars, ce qui est super vu le coût des soins médicaux aux Etats-Unis. Sauf que l’année scolaire ne commence que deux jours plus tard. Haha. Je dois payer 60 dollars au lieu de 5. Hahaha. Hilarant. Oh, et la piqure de tétanos ? 70 dollars. Haha. Haha. Qu’est-ce qu’on se marre. D’ailleurs ils ne savent pas si mon assurance française va me rembourser. C’est trop d’humour pour moi en un seul coup, je prends donc congé après avoir payé.

Mais je m’en vais avec la pensée rassurante de Virat proposant de couvrir les frais. Virat avait l’air de gagner correctement sa vie, cela ne devrait pas poser de problème. Je l’appelle donc et lui explique les évènements de la mâtinée. Il accepte en demandant à voir les factures. Pas de problème. Virat L’Homme de Parole.

Je rejoins ensuite mes nouveaux potes à la piscine, et apprécie quelques instants les yeux écarquillés devant le gros bandage qu’ont confectionnés les infirmières. Bandage qui m’empêche de me baigner par ailleurs, mais c’est un faible prix à payer quand l’alternative est d’impressionner une brochette de filles en maillots de bain.

Je reste ensuite avec Hugo et David pour le repas, sur le chemin duquel Virat m’appelle. « Allo Vincent ? ça va mieux ? Dis, en fait, je vais pas pouvoir payer. Nan, ça va pas être possible. Désolé, et bonne chance hein ! Salut ! ». Virat le Traitre. Virat le Bâtard.

Reste plus qu’à espérer que l’assurance française couvrira les frais… une fois rentré en France. Haha. En tout cas cette aventure m’aura permis de réaliser qu’à vélo on est tout sauf invincible, et qu’acheter un casque n’est pas juste une option pour les blaireaux qui veulent bousiller leur coupe de cheveux… si je n’avais pas donné ce coup de guidon, mon visage non protégé aurait percuté le coffre du 4x4, et j’aurais alors certainement moins fait le fier devant les filles…

Mais quand même, c’est chiant… j’vais avoir l’air con avec les cheveux plats…

1 commentaire:

  1. desgrippes bernard28 septembre 2010 à 00:56

    Vincent,
    les récits de tes études au pays de l'amérique sauvage sont supers intéressants. Je me "bidonne" quasiment à chaque paragraphe. Continue comme ça, tu nous passionnes. En tout cas, ils ont les moyens, à ta fac et j'espère que ta jambe va mieux.
    Bisous
    Bernard et Marie-Dorothée
    Domfront
    Texas ornais

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