Je me réveille doucement grâce aux lueurs du soleil pénétrant dans l’appartement. J’ai réglé mon réveil sur 10h pour avoir le temps de récupérer, mais finalement ce dernier n’a pas eu le temps de sonner. J’ouvre les yeux et vérifie combien de temps je peux encore m’accorder. Au moins 6 heures, vu qu’il n’est que 4 heures du mat... les « lueurs du soleil » n’étaient en fait que les lampadaires du complex, dont l’un est visible depuis mon lit.
Bon… beh je vais lire un peu. C’est pas comme si c’était possible de me rendormir de toute façon.
Au bout d’une heure, je me lève, vais pousser quelques cris aigus et insultes sous la douche pendant au moins 10 bonnes secondes, prends mon Mac avec moi et me dirige vers le campus. Ce matin, j’essaye le bus (j’ai pas de plan, mais ils descendent tous la grande avenue, donc pas de risque de me tromper). Le chauffeur est patient et m’explique comment nourrir la machine de deux billets de 1 dollar pour qu’il en ressorte un ticket à la journée. Je descend ensuite à un arrêt au pif et me dirige à nouveau vers la grande tour, en passant dire bonjour aux tortues.
Le campus est désert, si ce n’est quelques très rares étudiants ou salariés. Je me place sous un arbre, sur la place devant la grande tour, et vérifie mes mails pour la première fois depuis mon arrivée aux USA. Tandis que je me connecte au réseau de l’université, un écureuil vient pointer au boulot sur l’arbre me surplombant, à moins de deux mètres de moi. Ma présence n’a pas l’air de le déranger outre mesure, mais il a cet air qu’adoptent un grand nombre de personnes à une heure si matinale ; cet air fatigué qui écrit en lettres capitales le message sur leur visage « je déteste le lundi… ».
Et alors que mon regard quitte mon ami l’écureuil et se porte sur la vue qui s’offre à moi, je découvre enfin le soleil se levant à l’horizon, derrière le campus. Lentement, majestueusement, arrosant de sépia tous les bâtiments aux alentours. Et c’est à cet instant précis, tandis que je regardais ce magnifique levé de soleil le cœur gonflé de joie, que toutes mes craintes s’envolèrent définitivement, et que je suis définitivement tombé amoureux d’Austin. Cela ne fait même pas deux jours que je suis sur le sol américain, mais je sais d’ors et déjà que cette année va être fantastique.
De toute façon, quand y’a des levés ou couché de soleil à couper le souffle, ça ne peut qu’être fantastique.
Je continue d’admirer l’évènement un instant, laissant les moustiques me dévorer amoureusement les jambes, puis me décide enfin à me lancer dans l’exploration de ce campus qui sera le mien pour l’année à venir.
Je suppose à juste titre que la tour étant le bâtiment qu’on voit le mieux, il doit également être un centre d’information. J’y récupère une carte du campus, et me lance dans une liste ininterrompue de visites :
Le bureau des relations internationales, le Texas Union (bâtiment de loisir pour les étudiants… billard et bowling au sous-sol à prix minimes, la clinique de la fac pour faire ma visite médicale et checker mes vaccins (mais vu que je suis français j’ai juste eu droit à un bref mais intense « bonjour/au revoir », la seule véritable maladie dangereuse présente en France étant la politique), ouvert un compte en banque (et quand le banquier a vu ma nationalité, il a juste dit « Français ? On va pas parler de foot alors. », et au final on a plus parlé de sport en général que d’argent. Autre spécificité, à la banque comme dans les autres services, les agents se présentent par leur prénom, et attendent de nous que nous les utilisions… particulier, mais sympathique). J’ai enchainé par la confection de la carte d’étudiant, avec un américain à l’accent à couper au couteau, suis allé râler à l’agence immobilière pour l’eau chaude, pour finalement finir par l’un des évènements qui marquera au fer rouge mon séjour au Texas : le choix d’un vélo.
Austin est une ville étudiante, et également une ville cycliste. Des milliers de personnes utilisent chaque jour leur vélo, et de ce fait la ville leur a souvent aménagé des pistes cyclables sur le bord des routes. Lance Armstrong (le petit frère de Neil et Louis) est d’ailleurs Austinite (prononcer Austinaït, comme « a Knight »), et fait beaucoup pour promouvoir les petits bolides dans sa ville.
Je me suis donc rendu dans un magasin de vélo sur l’avenue principale, mais les prix m’ont rapidement refroidis. Disons que lorsqu’acheter une voiture revient moins cher, on en arrive rapidement à envisager les transports en commun (les prix allaient de 500 à 2000 dollars). J’ai toutefois demandé au vendeur de me parler de la concurrence et des endroits où acheter un vélo d’occaz. Très gentil, il a évoqué « the Bike Farm », au nord de la ville.
Ni une ni deux, je fonce dans la salle informatique du campus (ah, ouais, y’a une salle informatique. Immense. Enfin, disons que c’est la salle principale. Après, chaque bâtiment a ses propres postes informatiques à disposition des étudiants… plutôt cool non ?) et regarde l’emplacement dudit établissement. C’est bien au nord, du genre un quart d’heure en bus.
Je me rend donc à l’arrêt de bus le plus proche, sur l’avenue principale, et n’arrivant pas à déchiffrer la carte des bus (pas le nom des rues…) je monte dans le premier qui passe. Je suis ensuite bon pour un tour du campus gratuit, vu que cette ligne est propre à la fac et ne fait que des boucles. C’est comme ça qu’on apprend. Je redescend une demi heure plus tard au même arrêt, et prend un bus au nom familier. S’il passe devant chez moi comme je le pense, il doit aller plus haut.
Petit problème, je ne connais pas l’arrêt de bus où je dois descendre, juste le nom d’une rue qui croise l’avenue. Vu que le bus est bondé, je n’ai pas le temps de demander au chauffeur, et dois m’entasser au fond du bus, à côté d’un chômeur pas content de sa situation, qui rabâche à un étudiant barbu que le gouvernement, bah c’est d’la merde.
Je ne peux rien faire d’autre que me pencher pour regarder par la fenêtre si je vois la rue en question, et au bout de 20 minutes je pense faire demi tour avec la certitude de l’avoir raté quand finalement la sainte route apparaît. Je tire sur le cordon (pas de bouton ici, juste un cordon qui cours le long des fenêtres et qu’on tire quand on arrive près d’un arrêt) et descend dans la chaleur suffocante. Je mets une bonne vingtaine de minutes à trouver le magasin (nous sommes dans la banlieue de la ville, dans une sorte de quartier résidentiel un peu glauque).
The Bike Farm porte bien son nom, c’est une véritable ferme à vélo ou des bécanes de toutes sortes trônent fièrement dans un grand jardin. Tous ont vécus, certains ont même fait la guerre. Le vendeur, un jeune très sympa, me propose d’en essayer autant que je veux jusqu’à ce que je trouve mon bonheur, ce que je m’empresse de faire. Au bout d’un moment, il me voit revenir sur un beau vélo rouge, et me dit de but en blanc « je ferais pas ça si j’étais toi », et, devant mon air interrogateur, ajoute « disons que c’est un vélo de gonzesse… ». Ah. J’aimais bien le rouge pourtant.
Mon choix tombe enfin sur un vélo mutant, mix entre un VTT et un vélo de route (dont il a les pneus) blanc, avec tout un paquet de vitesse (et pas juste un levier pour les passer, comme avaient certaines de ces antiquités). Même si j’ai failli craquer sur certains modèles très anciens, pour leur originalité, l’efficacité du blanc l’a emporté sur les autres. Je le paye 150 dollars, déjà beaucoup plus abordable, et en profite pour acheter un solide antivol (il y a énormément de vols de vélos sur le campus, et il est très fréquent de retrouver des cadavres de bicyclettes démembrés accrochés aux lampadaires).
Il y a 8 ou 9 kilomètres pour rentrer chez moi, rien de bien difficile à vélo. Je me lance sur la grande avenue, les cheveux au vent, lunettes de soleil en place, sourire accroché aux joues. Vu de l’intérieur, j’ai trop la classe et j’en suis heureux. Le fait d’être sur un vélo me fait me sentir plus vivant que jamais, puis puissant, invincible ! Je n’ai pas retrouvé ce plaisir depuis mes vacances en Corse de 2008, avec Andréa et Micka, où nous jurions dans côtes et hurlions dans les descentes. Ici le pays est plat, ce n’est que du bonheur !
Au moment de traverser la grande avenue pour rentrer dans ma petite rue, j’essaye de sauter sur le trottoir. Au final, il n’y a que moi qui ais réussi, le vélo ayant préféré rester sur la route après avoir heurté le vicieux trottoir. Je n’ai pas d’amortisseur, et je ne sais pas sauter. Autant pour l’invincibilité. Au moins les passants et conducteurs se seront bien marrés.
Renée me rejoint après son boulot, vers 11h du soir. Nous partons faire les courses au grand supermarché local, le Wal-mart. Mega célèbre aux Etats-Unis. Et oui, à 11h du soir, vu qu’il est ouvert 24h/24, comme tous les gros magasins ou fastfood. Aux USA, si à 3h du mat tu as envie d’une pompe à vélo, d’un chargeur de portable et d’un Mars, tu vas chez Wal-Mart.
Par contre mon décalage horaire ne cesse de me boxer le visage durant toute la durée des courses, et en ressortiront quelques phrases qui resteront dans nos anales toutes personnelles : « I’m sorry, when I’m tired my English becomes creepy. I mean crapy », et « I have the kitchen skin » « you mean the chicken skin ? » « heu, yes, that ».
Nous rentrons, déposons les courses, et je m’écroule coutumièrement sur mon lit, avec juste une étrange pensée venue du futur en tête : il va vraiment falloir que je fasse moins d’activité à l’avenir, sinon le retard accumulé sur ce blog va devenir aussi impressionnant que le trou de la sécu.
PS : aujourd’hui j’ai fini mon premier repas depuis mon départ de France : un menu (je ne dirais pas « enfant ») acheté chez Burger King, et mangé assis dans mon salon… vivement l’achat de quelques fournitures…
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