samedi 28 août 2010

Allo Houston ? … No problem here. How are you ?

Pour la première fois depuis mon arrivée à Austin, je me réveille avec la véritable lumière du soleil, sur les coups de 7h. C’est ma première nuit complète, excusez du peu ! C’est également le jour de ma première douche chaude, ce qui est loin d’être rien non plus (l’astuce étant d’attendre 5 minutes que l’eau chaude arrive…). J’en profite d’ailleurs pour y rester assez longtemps et transformer ma salle de bain en piscine municipale (je n’ai pas encore de rideau de douche, et la hauteur de la baignoire fait penser qu’elle a été construite pour des nains… ou plus vraisemblablement des personnes en surpoids).

Je sors de la douche, et soudain : blackout ! Je me retrouve assis dans la salle informatique du campus, sans comprendre comment j’ai atterri ici. Plusieurs heures ont passées, mais impossibles de me rappeler ce que j’ai bien pu faire… et je n’ai certainement pas cette pensée étrange deux semaines plus tard, assis derrière mon Mac entrain d’écrire ce blog. Non, certainement pas. Haha.

Et tandis que j’écris quelques mails à différentes personnes de la fac, Renée me propose de partir le soir même pour Houston, à 3h de route d’ici, chez la famille d’une de ses amies qui va bientôt partir pour Los Angeles. J’hésite ; demain commence le weekend d’orientation pour les étudiants étrangers, ça la foutrait mal que je le loupe. Elle ajoute que la mère de sa copine cuisine comme une déesse. Alors j’accepte. Sans trop de remords.

Vers 19h nous embarquons dans sa voiture. Enfin… « voiture » est un bien grand mot. De mon côté je préfère l’appeler « brouette ». Elle est grande, bleue, vieille, avec deux places à l’avant et possède un de ces grands coffres ouverts à l’arrière, comme une remorque imbriqué dans la voiture. Le devant de l’engin est défoncé, certaines parties ne tenant qu’avec de la corde, le clignotant gauche ne marche plus (elle doit sortir son bras pour faire signe), et il n’y a pas la clim. Par contre les stickers « Obama » décorent plutôt bien l’arrière du véhicule, donnant un peu de sourire à ce charmant tas de ferraille.

A l’intérieur, il fait la chaleur d’un four au soleil, voir même un peu plus. J’ai pris pour pari avec Renée de réussir à faire cuir des œufs au bacon sur son capot. Et j’ai clairement toutes mes chances…

Nous nous mettons en route, fenêtres grandes ouvertes pour pouvoir respirer. Rapidement, toute conversation devient impossible à cause du bruit du moteur et du vent qui s’engouffre dans la voiture. La circulation dans Austin est plutôt intense, et Renée a souvent besoin de passer la tête par la fenêtre pour hurler quelques « Asshole ! » « Jerk » ou, plus rarement « Mother fucker ! ». Être en voiture avec une Américaine est une véritable leçon sur les subtilités de la langue de Shakespeare, et je me prend rapidement au jeu (après tout, sans la pratique, on n’arrive à rien.)

Une fois sorti de la ville, le paysage qui s’offre à nous est typiquement américain : une route qui s’étend vers l’infini, avec très peu de vie aux alentours. Quelques forêts, fermes, et rares villages ponctuent notre trajet que vient éclairer d’un doux rougeoiement un couché de soleil dément. S’il n’y avait pas cette foutu radio à moitié pété dont les aigus me vrillent les oreilles, la scène serait parfaite.


En revanche, une fois la nuit tombée, il n’y a plus grand chose à admirer. Nous nous arrêtons 2 heures plus tard pour casser la croute. Surtout pour moi en fait, vu que Renée a déjà mangé un Hamburger en roulant (en m’expliquant bien les règles de dégustation d’un hamburger à 80km/h). Nous sommes sur le parking d’un fast food, ou la serveuse très fatigué, après un conseil de ne jamais travailler dans un tel restaurant, me tend le hot dog commandé. Mon tout premier.

Je me souviens de ce moment comme si c’était hier… et là j’étais parti pour écrire une description exagéré de la découverte gustative de ce premier hot dog, mais certains d’entre vous ont l’esprit tellement mal placé que mes métaphores saucissesques n’auraient sûrement pas manqué d’attirer les commentaires les plus salaces de votre répertoire. Et ça, voyez-vous, je ne peux l’approuver sur ce blog. Bande de gros dégueulasse.

Passons donc sur ce qui aurait pu être un exercice de style sur la découverte de nouvelles saveurs (franchement hein, si seulement vous appreniez à vous contrôler on aurait pu s’amuser un petit peu ici). Disons simplement que c’était bien bon, et que cette première expérience de saucisse fourrée m’aura donné envie d’en connaître d’autres, de toutes tailles et saveurs (bien qu’il soit connu que concernant les hot dog, ce n’est pas la taille qui compte, mais le goût).

Nous reprenons ensuite la route, mon estomac à la limite de la gueulante (même si le hot dog était bon, il reste semblable à un convois exceptionnel sur une route lors d’un retour de weekend), et l’amie de Renée chargée de nous héberger, Hayley, nous informe que sa mère ne cuisinera pas ce soir, mais qu’elle nous a acheté 4 pizzas (pour 3) et que même si on a pas faim il serait de bonne mesure de se forcer.

L’idée seule de manger une pizza maintenant n’étant pas loin de me faire plonger dans une dépression nerveuse, je me prépare 36 scénarii pour refuser poliment une telle gentillesse. Le plus crédible d’entre eux étant que les français sont allergiques aux pizzas.

Nous arrivons à destination sur les coups de 22h30. La mère d’Hayley nous accueille dans un cri de joie (elle connaît bien Renée). Elle est en pyjama, et a attendu que nous arrivions avant d’aller se coucher. Elle m’accueille comme faisant parti de la famille, avec une grande accolade (le fameux « hug » Etasunien, qui remplace la bise française pour les gens qui se connaissent). Elle s’efforce également à prononcer mon prénom à la française, apparemment briefé par Hayley durant la soirée, ce qui donne approximativement « wouincent ! », mais l’effort me touche beaucoup (j’ai rapidement abandonné l’idée de me présenter à la française, devant les mines perplexe de mes interlocuteurs, et prononce mon prénom à l’américaine « Vinecèn’t », en revanche quand on me demande mon nom de famille, ça devient plus complexe, vu qu’il ne se prononce pas à l’américaine, donc en général je leur offre une version française, puis devant leur incapacité à le répéter je leur traduit simplement « The flus »).

Une petite parenthèse sur les prénoms. Aux Etats-Unis, je rencontre beaucoup plus de monde qu’en France, l’excès de sociabilité étant implanté dans leur culture (ou disons plutôt, ce qui en France passerait pour un excès de sociabilité, vu que pour eux, nous sommes froids et prétentieux… et quand je compare Paris à Austin, globalement je suis pas loin de rejoindre leur avis). Bref, beaucoup plus de monde à rencontrer. Et j’ai toujours été nul pour retenir les prénoms, ce qui pose un réel problème ici. Par exemple lorsque le deuxième jour j’ai rencontré un de mes voisins, où on s’est juste croisé en se souhaitant mutuellement la bienvenue, on a également échangé nos prénoms. Mais lorsque le lendemain, en me croisant, ce dernier me lance un « hey salut Vincent ! », je suis surpris du fait qu’il se souvienne du prénom, et honteux de ne pouvoir répondre qu’un « hey salut… voisin… what’s up ? ».

Depuis, j’essaye d’associer à chaque nouveau prénom un rappel mnémotechnique. Vu qu’un quart des gars que je rencontre s’appellent Jason, et un autre quart David, je n’ai qu’à me rappeler que ces bonhommes vont dans telle ou telle colonne. Mais quand il s’agit de Hayley par exemple, cela devient un peu plus complexe, et je dois alors m’imaginer entrain de saluer le célèbre Bruce Lee pour m’en rappeler… « Hey Lee ! ». Etrangement, plus c’est stupide, et plus ça marche. Depuis, je deviens un tueur sur le souvenir de prénom (ça veut dire que j’en retient à peu près un tiers, ce qui est énorme pour moi, surtout vu le nombre de rencontres).

Continuons de profiter de cette passionnante parenthèse pour parler un petit peu du « how are you ? ». Cette question que toute personne a normalement apprise dans ses jeunes années se révèle ici un petit problème, pour la simple raison que les américains l’utilisent tout le temps. C’est à dire que tout inconnu que l’on croise et qui nous dit bonjour enchaine automatiquement par « how are you ? ». Imaginez-vous par exemple à la caisse de Carrefour, et cette caissière a l’air déprimée que vous n’avez jamais vue auparavant démarre la conversation par « Salut ! ça va ? » … « Oh, salut ! … ça va bien, merci… » et la politesse voudrait certainement que j’enchaine par « et vous ? », sauf que moi, je m’en fout un peu de savoir si elle va bien ou pas, j’ai juste envie de payer mon lait et d’aller me coucher. Et si jamais elle me répond « pas vraiment, c’est pas trop ça en ce moment, mon mec m’a quitté pour cette grognasse aux gros seins ! J’y crois pas, qu’est-ce qu’il peut bien lui trouver ! Ok j’ai peut-être pas une aussi grosse poitrine, mais c’est pas ça qui compte, pas vrai ? J’veux dire, la beauté d’une femme réside surtout à l’intérieur, mais cette nana a l’intérieur d’un œuf pourri de 8 mois ! Vous êtes pas d’accord ?! »

Et là, la politesse voudrait certainement que je dise « si si, olala ma pauvre dame ! Qu’est-ce que je vous plains ! », sauf qu’évidemment, la seule réponse correcte dans ce genre de situation serait « J’sais pas trop… j’veux dire, quand même… les seins, c’est important… » Et là je vous laisse imaginer le scandale. A ce niveau je préfère encore la France où on peut garder ses préférences sexuelles pour soit.

Mais heureusement, comme disait notre coordinatrice des échanges étrangers, il est fort rare qu’à la question « how are you ? » quelqu’un répondre « arh ! j’ai eu une journée de merde ! j’te raconte ? ». La réponse attendue reste bien évidemment « bien, merci ». Ce qui surprend un peu également est que cette phrase est tellement considérée comme un salut, que parfois les gens ne répondent pas, ou n’écoutent pas la réponse. « How are you ? » « Oh I’m fine, thank y… » mais le bonhomme a déjà continué son chemin.

Bref, fermons ici cette petite parenthèse de culture américaine, pour retrouver Hayley et sa maman. Hayley m’offre également un chaleureux « hug » (et si ces messieurs connaissaient la dite Hayley, ils en seraient jaloux et aimeraient bien que le hug soit instauré dans la culture française). Nous nous connaissions de nom, par Renée interposée, mais elle m’accueille comme un véritable ami. Inutile de dire qu’être reçu de la sorte par une famille après avoir traversé un océan et être sous un effet de décalage horaire émotionnel, ça fait un bien fou. Je suis apparemment ici chez moi, et chez moi, bah c’est une énorme villa avec piscine et jacuzzi. Inutile de vous dire que je suis content d’être là, ici, chez moi.

Par chance, la mère d’Hayley (dont je ne me rappelle pas le prénom… voyez l’efficacité de mes moyens mnémotechniques…) n’attend pas de nous voir engloutir les pizzas avant d’aller se coucher, ce qui me permet de tirer au flanc et simplement regarder mes deux compagnes se rassasier. Anxieuse de me voir manger, Hayley me propose toutes sortes d’aliments qui semblent jaillir de la corne d’abondance qu’est leur frigo américain. Lorsque je lui demande des fruits, elle m’offre un quart de pastèque. Le chant de victoire des ouvriers de mon estomac résonne jusqu’à ma cavité buccale. Etrangement, c’est un chant russe.

Bientôt minuit à l’horloge, il n’est pas trop tard pour un bain dans la superbe piscine construite par le beau-père d’Hayley, ainsi que tout ce qui va être notre chambre d’ami et le jardin d’une manière générale. C’est mon premier bain des vacances, et honnêtement, même en Malaisie je n’ai pas connu une eau aussi chaude. Lorsqu’il fait entre 35 et 40 tous les jours, l’eau reste à une température constante de 32 à 34 degrés. Au milieu de la nuit, ce n’est pas dérangeant, à l’inverse de la journée où l’on cherche plus à se rafraichir. Ici, c’est juste parfait, et nous détendons deux bonnes heures, jusqu’à avoir la peau des doigts aussi vallonné que les routes de Corse.


Renée et moi prenons ensuite place dans la chambre d’ami, qui est une sorte de salle des fêtes au thème de la plage paradisiaque. Il faut savoir que la famille d’Hayley possédait une maison de campagne sur l’une des plages du Texas (pas si paradisiaque que ça la plage, celles du Texas étant réputés pour être dégueulasses… et la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique n’a pas exactement été l’événement idéal pour changer cet état de fait). Bref, le fait est que j’ai employé le passé pour parler de leur maison, tout simplement parce qu’après le passage de Ike, ouragan qui a fait des ravages il y a deux ans de cela, ils ont retrouvé leur maison quelques kilomètres avant sa position d’origine. Attristés de ne plus avoir de plage, ils ont décidé de se construire leur propre « private beach » dans leur jardin, et le résultat est vraiment impressionnant… et certainement mieux que l’original.

Nous nous écroulons de concert à 3h du matin, et sommes réveillés par le beau-père d’Hayley dans la mâtiné, alors que ce dernier est entrain d’effectuer de nouveaux travaux d’aménagement avec son équipe de jardiniers. Une fois rendu dans la cuisine, nous découvrons que sa mère a acheté 4 différentes boites de 6 beignets. Nous sommes toujours 3. J’en mange un et hoche silencieusement la tête lorsque la salle des machines me prévient que c’est suffisant.

J’ai oublié de présenter le chien de la famille. Ce dernier, un petit gros (on dirait une boule) nommé Pig (« cochon », je n’ai jamais vu un chien porter aussi bien son nom), sourd de naissance, est l’un des chien les plus adorables qu’il m’ait été donné de rencontrer. Gros patapouf qui aime bien jouer tant qu’il n’est pas fatigué, qui ne s’entend pas aboyer et croit qu’il est menaçant alors qu’en fait pas vraiment, et qui ronfle comme mon père (désolé papa…). Lors d’une séance photo où je me suis allongé par terre pour avoir une contreplongée de l’adorable monstre, ce dernier s’est rué sur moi, cavalant de ses nombreux kilos sur tout mon corps avant de balancer un coup de langue sur l’objectif de mon reflex numérique, pour finalement finir sa course la truffe enfouie dans mon cou à la recherche de caresses.


Nous visitons dans l’après midi un vieux village américain préservé, mais clairement touristique. Il est vrai que je me sens par moment dans La Petite Maison dans la Prairie, en particulier près du vieux bureau de poste. J’y découvre également la véritable limonade américaine (qui, à la différence de la française, n’est pas pétillante, mais juste une eau citronnée… 1 dollar le litre, ce qui n’est pas de refus par cette chaleur, excellent pour s’hydrater). Nous enchainons ensuite par un Hard Rock Café dans le downtown de Houston, où trônent des guitares, vestes, accessoires ayant appartenus aux plus grands musiciens de pop rock. Impressionnant.

Mes compagnons s’en retournent ensuite dans leur banlieue, et je reste devant le café pour retrouver Hannah, avec qui je vais passer la soirée et la nuit, chez sa famille (eh oui, si vous avez suivis vous vous rappelez sans doute qu’elle était retourné à Houston pour retrouver sa famille.) Nous nous rendons dans un restaurant espagnol où un groupe est sensé jouer et danser du flamenco. Notre table est la première devant la scène, et la prestation du groupe est tout simplement magnifique. Trois musiciens (le père et ses deux fils) et une danseuse superbe dans sa grande robe à froufrous, les castagnettes aux mains. Je ne savais pas à quoi m’attendre en acceptant la proposition d’Hannah, mais la musique que ces trois bonshommes étaient capables de produire, accompagnés des pas de danse rapides et gracieux de leur compagne m’a pris aux tripes pendant toute la durée du spectacle, à un tel point que le père a remercié l’enthousiasme de la première table (nous y étions 4 à applaudir à tout rompre).

Le repas terminé, nous nous dirigeons dans la ville de banlieue où réside la famille de mon amie, Sugarland. C’est une banlieue riche, et avant de nous rendre au quartier résidentiel, nous restons un moment dans le centre ville à savourer une glace dans une boutique où le client se confectionne lui-même la glace de ses rêves, puis paye ensuite au poids.

Hannah ne connaissant que trop bien le centre, elle m’annonce de but en blanc qu’il n’y a rien d’intéressant à y faire, à part peut-être quelque chose de pas vraiment commun…

Ma curiosité piquée, elle m’emmène dans l’avenue principale et m’ordonne d’avoir l’air le plus naturel possible… tandis qu’elle nous fait rentrer dans l’hôtel le plus luxueux de la ville. Notre style vestimentaire étant en dessous de la normal, nous devons avoir l’air parfaitement à l’aise dans l’immense hall de l’hôtel, et nous diriger comme si nous savions où nous allions, à savoir vers l’ascenseur. Ne possédant pas de clef, nous ne pouvons pas actionner ce dernier, et nous attendons donc, cachés, qu’un client monte dans sa chambre. L’un d’entre eux, un peu éméché, se pointe alors et nous permet de nous rendre jusqu’au 3ème. Nous montons les 6 étages restant par l’escalier, et poussons la lourde porte marquée d’un panneau « strictement interdit au public » nous conduisant au toit de l’hôtel.

Du haut de ces 10 étages, la vue de Houston et ses banlieues est magnifique, surtout de nuit. Nous apprécions un moment le panorama, puis Hannah m’annonce que ce n’est pas fini. Nous traversons le toit, enjambant tuyaux et machines en tout genre, pour arriver devant la petite tour de l’hôtel servant d’accroche à l’énorme panneau lumineux contenant le nom de l’hôtel en lettres de feu. Derrière cette tour, haute de 15 mètres sur 10 mètres carré de base, se trouve une échelle de barreaux accrochés au mur. Hannah me les montre du doigt en souriant devant ma mine déconfite.

Ok, je vous prend à l’accrobranche n’importe quand, ça me dérange pas de me jeter dans la vide à 30 mètres du sol accroché à une corde, mais devant une échelle de 15 mètres non sécurisé, j’avoue avoir les pétoches. Cependant, comme le dira Hannah un peu plus tard, faut vraiment le vouloir pour tomber d’une échelle (accrochée au mur, je répète) à moins d’être sujet à un sérieux vertige, ce qui n’est pas mon cas.

Un par un, les barreaux défilent sous mes pieds, tandis que je monte lentement. J’arrive finalement au sommet, et me tourne pour attraper Hannah dès qu’elle est à portée. Je me rends compte que je n’ai pas tant peur pour moi, mais surtout pour elle.

Nous réalisons alors que les rebords du toit ne sont hauts que d’une vingtaine de centimètres. Hors de question de se déplacer debout, la distance jusqu’à la rue arrive même à me donner le vertige. Nous rampons donc à 4 pattes jusqu’au bord opposé, et nous asseyons là, assez proches pour se sécuriser l’un l’autre, et apprécions alors cette vue fantastique deux heures durant, en parlant de tout et de rien, mais bien conscient de l’extraordinaire moment que nous sommes entrain de partager. Lorsque la police patrouille sur le parking de l’hôtel, vérifiant que personne ne s’est incrusté sur le toit pour fumer, ou pour d’autres activités aux performances un peu plus physiques, nous ne prenons même pas la peine de nous aplatir : il n’y a que la nuit noire derrière nous, aucune chance pour nos silhouettes de se découper sur l’horizon.

Au bout d’un moment je réalise que le sol est couvert d’une couche de poussière noire qui n’a pas manqué de recouvrir chaque parcelle de notre corps en contact avec lui. Les pieds d’Hannah semblent porter des chaussures montantes, alors que cette dernière est pieds nus.

L’heure tourne, et nous nous décidons finalement à rentrer.

Monter une échelle non sécurisée est une chose, la descendre en est une autre. En particulier le fait de se retourner par 15 mètres de vide. J’insiste pour passer le premier, histoire de ne pas l’emporter avec moi si je chute. Bien évidemment (et heureusement) je ne chute pas. Une fois en bas, je me place de manière à essayer de la rattraper si elle tombe. Mais ce que je n’avais pas prévu est que sa robe, par 15 mètres de haut, m’offre une vue imprenable sur une vue interdite. Partagé entre la gêne et l’angoisse, j’essaye de deviner plus que regarder comment elle s’en sort, puis décide que pour une situation pareille je peux mettre ma gêne de côté et être prêt à la rattraper en cas de problème (elle portait notamment des sandales à l’attache précaire, ce qui m’inquiétait particulièrement). Aussi, je me voyais mal contacter ses parents pour leur annoncer « désolé, votre fille est décédé d’une chute parce que j‘ai pas osé regarder sa culotte ».

Et puis bon, c’est pas comme si c’était désagréable à contempler…

Restait à sortir de l’hôtel sans se faire repérer… sachant que nous étions couverts de suie des pieds à la tête (littéralement ; on se passe souvent les mains sur le visage sans réfléchir, et nous ressemblions plus à un commandos d’intervention qu’à deux étudiants venant de s’incruster sur un toit). Nous descendons les escaliers jusqu’au ré de chaussé, et profitons de la diversion d’un concert pour foncer dans les toilettes. Commence alors une séance de toilettage intense, pour retirer un maximum de dégâts. Ce sont les jambes d’Hannah qui ont le plus pris, et tandis que nous nous acharnons à les rendre plus présentables, l’idée nous traverse que quelqu’un pourrait rentrer dans les toilettes à ce moment. La vue qui s’offrirait à lui serait des plus étranges…

Nous réussissons à quitter l’hôtel sans problème, et prenons la direction de sa banlieue. J’en profite pour l’engueuler copieusement sur sa conduite dangereuse. J’avais déjà vu quelqu’un téléphoner au volant, mais jamais écrire un sms. Avec les deux mains. En manipulant le volant avec la jambe.

Nous arrivons dans son quartier résidentiel. Encore une fois, un quartier riche, possédant un club sportif où il est possible de jouer au golf, tennis, et faire de la natation dans la superbe piscine. De nuit, elle est clôturée, mais une main passée à travers permet de trouver le verrou. Pas besoin d’escalade pour entrer furtivement ici, et le bain après toute cette saleté nous fait un bien fou.

Nous rentrons nous coucher sur les coups de 3h, en essayant de ne pas réveiller ses parents. Mais la mère dormait dans la chambre d’Hannah pour attendre notre retour… je ne l’ai rencontré qu’une fois sur Paris, mais m’est avis qu’elle est assez protectrice. Très sympa cependant, elle m’installe dans la chambre d’ami, et nous informe qu’elle dormira dans la chambre du frère pour cette nuit (juste à côté des nôtres donc… Hannah et moi ne sommes pas ensemble, mais sa mère semble vouloir s’en assurer).

Le lendemain je suis invité à un brunch dans le club du quartier (imposant bâtiment à côté de la piscine, où peuvent être organisés les gros évènements, et où chaque dimanche est servi un brunch gratuit pour les adhérant. On me fait passer pour un membre de la famille, et je peux déguster mes premiers tacos aux œufs et bacon gratuitement). J’ai ensuite dû faire semblant de découvrir la piscine lorsque ses parents me l’ont présenté, jeu où je m’en suis apparemment brillamment sorti. En même temps, la découvrir de jour est déjà plus impressionnant que de nuit, il a donc été assez simple d’être impressionné.

Retour chez elle, et ses parents proposent de me prêter lit, étagère, bureau et autres accessoires pour l’année, vu que la semaine prochaine ils apportent toutes les fournitures d’Hannah. Je ne m’y attendais pas du tout, et j’ai été ravi d’apprendre qu’il s’agissait du lit sur lequel j’ai passé la nuit, particulièrement confortable.

Encore une fois je suis impressionné par la gentillesse des personnes que je rencontre. A partir du moment où j’ai besoin d’aide, il y a toujours quelqu’un pour lever frénétiquement la main au premier rang dans le but de tout faire pour me rendre la vie plus facile.

Ce qui m’amène à la dernière histoire de cet article (je m’adresse aux rares survivants qui auront passés l’épreuve du toit de l’hôtel, bravo à tous, vous avez tenu plus loin que personne avant vous… vous êtes ma fierté.)

Après avoir assisté à une pièce de théâtre d’étudiant dans le grand théâtre de Houston (où Hannah avait déjà eu la chance de voir l’une de ses pièces joué), nous nous rendons à la gare routière de Houston. Lieu mal famé où les SDF tiennent tête aux drogués pour savoir qui sera le groupe le plus nombreux. Les sirènes de police et d’ambulance déchirent le silence provoqué par le manque de circulation. Bref, inutile de vous dire que lorsqu’Hannah disparaît avec sa voiture, je ne me sens pas très en sécurité.

Une fois mon ticket acheté, j’attends mon bus dans une grande salle d’attente où sont diffusés des matchs de football américain. J’y prête peu attention, assez fatigué par la journée, lorsqu’une grand-mère à la recherche d’un interlocuteur engage la conversation. J’y répond plus par politesse que par intérêt, elle a surtout envie de parler d’elle. La conversation s’échoue au bout de quelques minutes, lorsque nous devons rentrer dans le bus. La dame s’assied cependant derrière moi, ce qui m’ennuie un petit peu : je n’ai pas envie de passer 3 heures à l’entendre parler de sa petite fille, surtout qu’elle parle très fort. Mais je fais un rapide méa culpa, mis à part quelques remarques amusantes, elle n’essayera pas d’engager de conversation, me permettant de somnoler après l’écriture de la journée passée. Puis au bout d’une heure, alors que nous approchons de 20h, la salle des machines demande à bosser, mais je n’ai rien à leur mettre sous la dent. Commence alors une période désagréable ou le trou dans mon ventre semble d’agrandir à chaque seconde qui passe.

Je sent alors une main me tapoter l’épaule, et découvre la grand mère entrain de me tendre sandwiches, cookies, canette de coca… « je sais que les étudiants ont tout le temps faim, et moi je ne pourrais pas finir. Fais-toi plaisir chéri. » Je n’en reviens pas, et la honte me monte aux joues pour les pensées négatives que j’avais eu à son égard. Cette grand-mère vient de devenir ma nouvelle meilleure amie !

Je la remercie chaleureusement, toujours incrédule de ma chance, et me jette sur la divine nourriture. Même pas de piège à ce niveau-là, c’est excellent.

Une fois arrivé à Austin, à 22h, je l’aide à descendre sa valise, et elle me présente sa fille venue la chercher, laquelle remarque avec intérêt que je parle français. Et me propose rapidement un emploi : faire partie d’un jury chargé de noter des américains voulant devenir prof de français, horaires flexibles et bien payé.

Je commence à sérieusement penser être entrain de rêver lorsqu’elles me ramènent en voiture, m’évitant d’attendre un autre bus une demi heure.

Je ne sais pas ce que j’ai fais pour mériter tout ça, probablement rien, et c’est ça qui m’hallucine le plus. Cette gentillesse, un peu partout autour de moi, qui offre sans rien attendre en retour.

C’est là que je réalise que ces américains, malgré l’idée que je me faisais d’eux auparavant, ont finalement beaucoup de choses à m’apprendre…

mardi 24 août 2010

Independance Day


Je me réveille doucement grâce aux lueurs du soleil pénétrant dans l’appartement. J’ai réglé mon réveil sur 10h pour avoir le temps de récupérer, mais finalement ce dernier n’a pas eu le temps de sonner. J’ouvre les yeux et vérifie combien de temps je peux encore m’accorder. Au moins 6 heures, vu qu’il n’est que 4 heures du mat... les « lueurs du soleil » n’étaient en fait que les lampadaires du complex, dont l’un est visible depuis mon lit.

Bon… beh je vais lire un peu. C’est pas comme si c’était possible de me rendormir de toute façon.

Au bout d’une heure, je me lève, vais pousser quelques cris aigus et insultes sous la douche pendant au moins 10 bonnes secondes, prends mon Mac avec moi et me dirige vers le campus. Ce matin, j’essaye le bus (j’ai pas de plan, mais ils descendent tous la grande avenue, donc pas de risque de me tromper). Le chauffeur est patient et m’explique comment nourrir la machine de deux billets de 1 dollar pour qu’il en ressorte un ticket à la journée. Je descend ensuite à un arrêt au pif et me dirige à nouveau vers la grande tour, en passant dire bonjour aux tortues.

Le campus est désert, si ce n’est quelques très rares étudiants ou salariés. Je me place sous un arbre, sur la place devant la grande tour, et vérifie mes mails pour la première fois depuis mon arrivée aux USA. Tandis que je me connecte au réseau de l’université, un écureuil vient pointer au boulot sur l’arbre me surplombant, à moins de deux mètres de moi. Ma présence n’a pas l’air de le déranger outre mesure, mais il a cet air qu’adoptent un grand nombre de personnes à une heure si matinale ; cet air fatigué qui écrit en lettres capitales le message sur leur visage « je déteste le lundi… ».

Et alors que mon regard quitte mon ami l’écureuil et se porte sur la vue qui s’offre à moi, je découvre enfin le soleil se levant à l’horizon, derrière le campus. Lentement, majestueusement, arrosant de sépia tous les bâtiments aux alentours. Et c’est à cet instant précis, tandis que je regardais ce magnifique levé de soleil le cœur gonflé de joie, que toutes mes craintes s’envolèrent définitivement, et que je suis définitivement tombé amoureux d’Austin. Cela ne fait même pas deux jours que je suis sur le sol américain, mais je sais d’ors et déjà que cette année va être fantastique.

De toute façon, quand y’a des levés ou couché de soleil à couper le souffle, ça ne peut qu’être fantastique.

Je continue d’admirer l’évènement un instant, laissant les moustiques me dévorer amoureusement les jambes, puis me décide enfin à me lancer dans l’exploration de ce campus qui sera le mien pour l’année à venir.

Je suppose à juste titre que la tour étant le bâtiment qu’on voit le mieux, il doit également être un centre d’information. J’y récupère une carte du campus, et me lance dans une liste ininterrompue de visites :

Le bureau des relations internationales, le Texas Union (bâtiment de loisir pour les étudiants… billard et bowling au sous-sol à prix minimes, la clinique de la fac pour faire ma visite médicale et checker mes vaccins (mais vu que je suis français j’ai juste eu droit à un bref mais intense « bonjour/au revoir », la seule véritable maladie dangereuse présente en France étant la politique), ouvert un compte en banque (et quand le banquier a vu ma nationalité, il a juste dit « Français ? On va pas parler de foot alors. », et au final on a plus parlé de sport en général que d’argent. Autre spécificité, à la banque comme dans les autres services, les agents se présentent par leur prénom, et attendent de nous que nous les utilisions… particulier, mais sympathique). J’ai enchainé par la confection de la carte d’étudiant, avec un américain à l’accent à couper au couteau, suis allé râler à l’agence immobilière pour l’eau chaude, pour finalement finir par l’un des évènements qui marquera au fer rouge mon séjour au Texas : le choix d’un vélo.

Austin est une ville étudiante, et également une ville cycliste. Des milliers de personnes utilisent chaque jour leur vélo, et de ce fait la ville leur a souvent aménagé des pistes cyclables sur le bord des routes. Lance Armstrong (le petit frère de Neil et Louis) est d’ailleurs Austinite (prononcer Austinaït, comme « a Knight »), et fait beaucoup pour promouvoir les petits bolides dans sa ville.

Je me suis donc rendu dans un magasin de vélo sur l’avenue principale, mais les prix m’ont rapidement refroidis. Disons que lorsqu’acheter une voiture revient moins cher, on en arrive rapidement à envisager les transports en commun (les prix allaient de 500 à 2000 dollars). J’ai toutefois demandé au vendeur de me parler de la concurrence et des endroits où acheter un vélo d’occaz. Très gentil, il a évoqué « the Bike Farm », au nord de la ville.

Ni une ni deux, je fonce dans la salle informatique du campus (ah, ouais, y’a une salle informatique. Immense. Enfin, disons que c’est la salle principale. Après, chaque bâtiment a ses propres postes informatiques à disposition des étudiants… plutôt cool non ?) et regarde l’emplacement dudit établissement. C’est bien au nord, du genre un quart d’heure en bus.

Je me rend donc à l’arrêt de bus le plus proche, sur l’avenue principale, et n’arrivant pas à déchiffrer la carte des bus (pas le nom des rues…) je monte dans le premier qui passe. Je suis ensuite bon pour un tour du campus gratuit, vu que cette ligne est propre à la fac et ne fait que des boucles. C’est comme ça qu’on apprend. Je redescend une demi heure plus tard au même arrêt, et prend un bus au nom familier. S’il passe devant chez moi comme je le pense, il doit aller plus haut.

Petit problème, je ne connais pas l’arrêt de bus où je dois descendre, juste le nom d’une rue qui croise l’avenue. Vu que le bus est bondé, je n’ai pas le temps de demander au chauffeur, et dois m’entasser au fond du bus, à côté d’un chômeur pas content de sa situation, qui rabâche à un étudiant barbu que le gouvernement, bah c’est d’la merde.

Je ne peux rien faire d’autre que me pencher pour regarder par la fenêtre si je vois la rue en question, et au bout de 20 minutes je pense faire demi tour avec la certitude de l’avoir raté quand finalement la sainte route apparaît. Je tire sur le cordon (pas de bouton ici, juste un cordon qui cours le long des fenêtres et qu’on tire quand on arrive près d’un arrêt) et descend dans la chaleur suffocante. Je mets une bonne vingtaine de minutes à trouver le magasin (nous sommes dans la banlieue de la ville, dans une sorte de quartier résidentiel un peu glauque).

The Bike Farm porte bien son nom, c’est une véritable ferme à vélo ou des bécanes de toutes sortes trônent fièrement dans un grand jardin. Tous ont vécus, certains ont même fait la guerre. Le vendeur, un jeune très sympa, me propose d’en essayer autant que je veux jusqu’à ce que je trouve mon bonheur, ce que je m’empresse de faire. Au bout d’un moment, il me voit revenir sur un beau vélo rouge, et me dit de but en blanc « je ferais pas ça si j’étais toi », et, devant mon air interrogateur, ajoute « disons que c’est un vélo de gonzesse… ». Ah. J’aimais bien le rouge pourtant.

Mon choix tombe enfin sur un vélo mutant, mix entre un VTT et un vélo de route (dont il a les pneus) blanc, avec tout un paquet de vitesse (et pas juste un levier pour les passer, comme avaient certaines de ces antiquités). Même si j’ai failli craquer sur certains modèles très anciens, pour leur originalité, l’efficacité du blanc l’a emporté sur les autres. Je le paye 150 dollars, déjà beaucoup plus abordable, et en profite pour acheter un solide antivol (il y a énormément de vols de vélos sur le campus, et il est très fréquent de retrouver des cadavres de bicyclettes démembrés accrochés aux lampadaires).

Il y a 8 ou 9 kilomètres pour rentrer chez moi, rien de bien difficile à vélo. Je me lance sur la grande avenue, les cheveux au vent, lunettes de soleil en place, sourire accroché aux joues. Vu de l’intérieur, j’ai trop la classe et j’en suis heureux. Le fait d’être sur un vélo me fait me sentir plus vivant que jamais, puis puissant, invincible ! Je n’ai pas retrouvé ce plaisir depuis mes vacances en Corse de 2008, avec Andréa et Micka, où nous jurions dans côtes et hurlions dans les descentes. Ici le pays est plat, ce n’est que du bonheur !

Au moment de traverser la grande avenue pour rentrer dans ma petite rue, j’essaye de sauter sur le trottoir. Au final, il n’y a que moi qui ais réussi, le vélo ayant préféré rester sur la route après avoir heurté le vicieux trottoir. Je n’ai pas d’amortisseur, et je ne sais pas sauter. Autant pour l’invincibilité. Au moins les passants et conducteurs se seront bien marrés.

Renée me rejoint après son boulot, vers 11h du soir. Nous partons faire les courses au grand supermarché local, le Wal-mart. Mega célèbre aux Etats-Unis. Et oui, à 11h du soir, vu qu’il est ouvert 24h/24, comme tous les gros magasins ou fastfood. Aux USA, si à 3h du mat tu as envie d’une pompe à vélo, d’un chargeur de portable et d’un Mars, tu vas chez Wal-Mart.

Par contre mon décalage horaire ne cesse de me boxer le visage durant toute la durée des courses, et en ressortiront quelques phrases qui resteront dans nos anales toutes personnelles : « I’m sorry, when I’m tired my English becomes creepy. I mean crapy », et « I have the kitchen skin » « you mean the chicken skin ? » « heu, yes, that ».

Nous rentrons, déposons les courses, et je m’écroule coutumièrement sur mon lit, avec juste une étrange pensée venue du futur en tête : il va vraiment falloir que je fasse moins d’activité à l’avenir, sinon le retard accumulé sur ce blog va devenir aussi impressionnant que le trou de la sécu.

PS : aujourd’hui j’ai fini mon premier repas depuis mon départ de France : un menu (je ne dirais pas « enfant ») acheté chez Burger King, et mangé assis dans mon salon… vivement l’achat de quelques fournitures…

jeudi 19 août 2010

Les Premiers Pas


Après de longues heures d’un sommeil récupérateur, je me réveille avec la sensation d’avoir trop dormi. Il doit être entre 11h et midi, et je culpabilise un peu d’avoir perdu toute la matinée. En vérifiant ma montre, je me rend compte que c’est pire que je ne croyais : 1H30. Du matin. En regardant par la fenêtre je vois le Décalage Horaire rire en me montrant du doigt. Ses gosses Sommeil et Estomac se marrent à ses côtés, le premier me fait un bras d’honneur.

J’essaye inutilement de me rendormir, mais il fait bien trop froid dans la pièce. J’ai pourtant baissé la climatisation pour ne pas être gelé (après tout, je n’ai qu’un drap pour me couvrir). Les heures passent et je me sens de plus en plus gelé, ce qui m’énerve beaucoup : je ne peux pas passer un an à me les peler chaque nuit ! Impossible d’éteindre la clim, on peut simplement la baisser ou la monter, et… et là je réalise. Je réalise que dans ma fatigue de la veille, j’ai fais preuve d’une bêtise de débutant. Quand on baisse une climatisation, à l’inverse d’un chauffage qui fonctionnera moins, on baisse la température ambiante de la pièce jusqu’au niveau indiqué. Et je l’ai baissé au maximum. Pas étonnant que j’ai l’impression d’être au pôle nord. Lorsque je prends conscience de cet état de fait, je suis dans mon lit, deux couches de vêtements sur moi, en position fœtale, emmitouflé dans ma serviette de bain et mon drap, et je me sens très con.

Pas la peine de rester au lit, il est 5 heures du mat’ et je suis complètement réveillé. Je grelotte jusqu’à la salle de bain pour prendre une douche bien chaude, mais c’est une douche froide qui m’attend… dans les deux sens du terme. Pas d’eau chaude. WHAT THE FUCK ! Tout ce que j’obtiens est une eau en dessous de ce qu’on pourrait appeler « tiède ». Vous me direz que ça va, au Texas on peut prendre des douches froides, mais je vous répondrais que mon appartement à l’heure actuelle a plus de points communs avec un congélateur qu’avec les chapeaux de cow-boy ; un peu plus et la peau de mes pieds resterait accroché au carrelage.

Tout ce que j’arrive à faire est de me passer rapidement la tête sous l’eau avec force cris de fillette et jurons. Je me rends ensuite sur la balustrade, devant mon appartement. Le soleil n’est pas encore levé, mais il doit déjà faire 23 ou 24 degrés… bien plus chaud que ma pièce donc. Je me réchauffe un peu, le regard perdu sur les timides lueurs du soleil à l’horizon, et me rend compte que je ne me sens pas très bien. Je réalise vite pourquoi : je suis encore perdu. Sans carte, sans plan de la ville, je ne sais pas quoi faire. Je sais que je suis éloigné du campus, et n’ai aucune idée de comment l’atteindre. J’espère que ce sentiment passera dans la journée, et me met à écrire le premier chapitre de ce fantastique blog en attendant Hannah et Katie.

Ces dernières arrivent sur les coups de 11h, et m’emmènent prendre un petit déjeuné typique américain : œufs brouillés, bacon et pancakes. Encore une fois je suis perdu par le débit de parole de la serveuse, et n’ose pas l’arrêter avant qu’elle n’ait fini d’énoncer la spécialité du jour. Cependant, je remarque que ma volonté de m’y retrouver dans cet océan de choix de nourriture l’amuse, ainsi qu’une autre serveuse qui s’ajoute à la première pour m’aider à comprendre les subtilités d’un œuf brouillé américain.

Je n’arrive pas à finir les pancakes, trop gros, ou disons plutôt que mon estomac est toujours sujet à ce fameux « Jet Lag », le décalage horaire, et me fait de petits signes discrets en chuchotant que non, ça serait une assez mauvaise idée de me forcer à avaler une bouchée de plus, après quoi il ne répondrait plus de rien. Ayant un estomac de confiance, je préfère l’écouter et laisser le gros pancake éperdu dans son assiette, ignorant son regard de chien battu à la framboise.

Un petit aparté sur les restos américains : ils sont toujours super bien décorés, avec des tas de trophées, photos, posters en tout genre. J’ai particulièrement aimé le resto tex-mex de la veille car parmi toutes les affiches classes se cachaient quelques collectors de Star Wars. Le pourboire n’est pas inclus dans le prix, et il est de très mauvais goût de l’oublier. De toute façon, lorsqu’ils voient que je suis européen, les serveurs se font un devoir de me le rappeler. Le pourboire est en générale 15 pourcent de la somme dépensée. Dans certains services, il n’est pas obligatoire de donner un pourboire, comme dans un Starbucks par exemple, mais parfois les « serveurs » sont tellement cool qu’on a envie de laisser un petit quelque chose. Je pense notamment à ce glacier, juste à côté de chez moi, avec cette serveuse un peu folle et sympathique, et cette boite, sur le comptoir, divisée en deux avec écrit « Voyons qui l’emportera : « Coté Lumineux de la Force », « Coté Obscur de la Force » » avec des sous dedans. J’ai laissé toute ma monnaie dans la coté obscur, le sourire jusqu’aux oreilles.

Il faut savoir aussi que chaque serveur se présente, par son prénom donc, et nous informe qu’il sera notre serveur attitré tout au long de notre repas. Nous pouvons lui demander n’importe quoi, tant que ça n’inclus pas une danse hawaïenne sur une table du resto. Il passe d’ailleurs souvent devant nous en nous demandant si tout se passe bien. Ça surprend au début, on bafouille la bouche pleine que « ouais, tout va bien merci, et vous ? » Puis au bout d’un moment j’ai pigé que lever le pouce avec mon regard « oulala que c’est bon ! » suffisait. Il est bon de savoir aussi que quelque soit la commande de soda, ils rempliront le verre gratuitement tant qu’on aura soif. La première fois qu’on m’a proposé de remplir à nouveau mon Sprite j’ai refusé un peu vivement, pensant qu’il voulait juste se faire plus d’argent, et le serveur est reparti avec le même regard d’incompréhension qu’aurait un garde côte face à un mec entrain de se noyer qui refuserait d’un air outré la bouée de sauvetage tendue si généreusement. Je me suis excusé en lui tendant mon verre avec un grand sourire lors de son suivant passage, et nous étions de nouveau les meilleurs amis du monde.

C’est le même principe au Macdonald, on achète son repas, avec différentes tailles de sodas (la plus petite étant la plus grande en France, ce n’est pas une rumeur, et lors de mon premier passage dans un Burger King, le serveur s’est foutu de ma gueule quand j’ai demandé la petite taille. Alors j’ai pris celle juste après, parce que bon, merde ! J’suis un homme, un vrai !

Je disais donc même principe : une fois la boisson achetée, on peut la re-remplir à volonté nous-mêmes aux distributeurs automatiques. Et là, je suis sûr que quelques lecteurs à l’esprit vif auront repérés une incohérence : pourquoi payer plus cher une boisson plus grosse (parce qu’elles sont vraiment grosses, allant jusqu’au litre, peut-être même plus) alors qu’on peut remplir à volonté une petite ? La première réponse qui me vient à l’esprit est que la majeure partie des américains ne s’en rendent pas compte, mais c’est une pensée moqueuse et une méchanceté gratuite, et je ne veux pas de ce genre de chose sur mon blog. On ne me prendra pas à dire que les américains ne sont pas fut-fut, et ce même s’ils ont élu George W. Bush. Fin de l’aparté.

Nous quittons Kerby Lane Café (je crois…) et nous dirigeons vers un AT&T Store, pour acheter un téléphone. Le magasin est assez impressionnant, semblable à un Apple Store. On s’inscrit sur une liste d’attente en entrant, et pouvons tester les téléphones à disposition dans toute la grande salle, ou s’installer sur de gros fauteuils en regardant CNN. Et là, Hannah a fait quelque chose que je n’aurais pas cru possible : elle a appelé sa mère à Houston avec l’un des téléphone de présentation. Pendant 15 minutes. J’hésite un instant à faire la même chose en France, mais je préfère éviter d’avoir des problèmes en cas de découverte. (La mère d’Hannah se fera d’ailleurs appeler par AT&T quelques jours plus tard pour des explications).

Mon idée de profiter d’être aux USA pour acheter un Iphone (moins cher) retombe rapidement lorsque je vois que parce que je n’ai pas de numéro de sécu américain, je ne peux pas avoir de contrat, ou alors si mais d’une manière tellement chiante qu’elle me convainc de prendre un téléphone pourri pour toute l’année.

En revanche, impossible d’avoir internet, mon appartement n’existerait apparemment pas. Pour la porte qui ne ferme pas à clef, je dis pas, mais dire qu’il n’existe pas c’est pousser le bouchon un peu loin…

En parlant de clef, nous nous rendons à l’agence pour en récupérer de nouvelles et signaler le problème de l’eau chaude qui « sera réglé dans la journée ». (Notez les guillemets).

Hannah et Katie devant retourner à Houston, je me retrouve de nouveau à pied, sans plan, perdu seul et apeuré. Un peu plus et on verrait le travelling arrière m’abandonnant sur une large avenue, avec rien d’autre aux alentours qu’un orage venant me tremper pour souligner l’état d’esprit dans lequel je serais tombé. Tout cela n’est pas loin de la vérité (orage compris) si ce n’est que je ne suis pas seul : Abi, une amie d’Hannah à qui j’ai à peine parlé propose de me conduire dans tout Austin pour m’aider à faire ce dont j’ai besoin. Je répète : on se connaît à peine, et elle se propose de passer son aprem à faire le taxi. Je refuse finalement car l’orage qui éclate est digne du Choc des Titans, et lui demande simplement de me ramener chez moi, où j’attendrais Renée qui doit passer une fois son boulot fini.

Sauf que son boulot ne finit pas, et plus les heures passent, plus je me sens déprimé, isolé et perdu. Vers 19 heures je décide d’en avoir marre, et sors dans l’idée de me perdre dans Austin, rien à foutre des dangers de la nuit (qui tombe vers 8 heures). Et par chance, en sortant de mon appartement, j’ai la bonne intuition de prendre la bonne direction, qui me fait arriver directement sur LA grande avenue qui traverse toute la partie nord d’Austin, y compris le Campus Universitaire. Je la descend donc, me sentant mieux à chaque pas, car plus j’avance dans Austin, plus un plan se créer dans ma tête, et plus je commence à réaliser où je vis. Je comprend alors que c’est ça dont j’ai eu besoin depuis mon arrivée : être indépendant, me démerder pour comprendre où j’habite et où se trouve quoi dans cette ville qui sera la mienne pendant un an. Je passe à côté du Kerby Lane Café, en réalisant à quel point il était proche de chez moi, et à quel point je n’en avais pas conscience.

Je reçois finalement un appel de Renée disant qu’elle ne pourra pas quitter le travail avant tard ce soir, et qu’il vaudrait donc mieux reporter notre repas et les grosses courses à demain. Pas de problème, en cet instant je me sens plus vivant que je ne l’ai été depuis mon arrivé à Austin. Je me dirige vers le campus avec l’idée de le visiter avant de manger. Mais visiter un campus américain, ça ne se fait pas en une heure. Je prend pour direction la grande tour d’Austin, symbole du Campus, et marche au milieu de ces beaux bâtiments, au milieu de ces étendues d’herbe, de ces arbres, ces statues. Inutile de dire que j’hallucine complètement. Je m’échoue devant une marre près de la tour, impossible de continuer. La marre grouille. Pas de poissons, non, mais de tortues. Des centaines de tortues, de toutes taille, nageant, dormant, me regardant, nageant vers moi. Des minuscules, des grosses, des vielles, des rigolotes… putain, à Paris 8 on a des pigeons et un SDF, et eux ils ont une marre avec des tortues. J’apprendrais cependant plus tard qu’il s’agit là d’un monument en la mémoire des victimes d’un massacre des années 70, où un homme armée d’un sniper s’était niché dans la tour du campus et avait tué un grand nombre de personnes avant d’être maitrisé…

Il faut croire que Paris 8 est tellement minable que même les malades mentaux ne veulent pas y commettre de massacre.

Je me dirige ensuite devant la grande tour, où plusieurs volées de marches entourent les différentes statues des bienfaiteurs de l’université. Sur les grands escaliers de la tour, une chorale composée d’une cinquantaine d’étudiants, organisés selon les couleurs de leurs habits, répètent des chansons inconnues de mon répertoire. Au même moment, le soleil se couche et baigne la scène d’une superbe couleur ambrée de circonstance. Gros soupir, émotion, léger tremblement, les premiers symptômes d’un amour grandissant pour cette ville s’emparent de moi, me laissant le cœur léger et le sourire aux lèvres tandis que je remonte l’avenue pour rentrer chez moi.

Je décide de m’arrêter au passage dans un fast food (inutile de dire que c’est pas ça qui manque… du genre qui manque pas DU TOUT. Y’en a partout, de toutes sortes, tous proposant les meilleurs hamburgers du Texas.) Je m’arrête donc dans un fast food, vu qu’il arbore un panneau proposant les meilleurs hamburgers du Texas… Surprise : les patrons sont asiatiques, et ne parlent même pas anglais. Je flippe un peu (hamburger et asiatique est une association difficile pour mon cerveau européen), puis une jolie serveuse à l’anglais impeccable m’accueille avec un grand sourire. Alors je reste. La liste des hamburgers est aussi longue qu’une close de contrat de location d’appartement, et tous les noms me sont inconnus, comme la majeure partie des ingrédients. Je demande alors pour la première fois ce qui deviendra plus tard un rituel : c’est lequel qui déchire le plus sa race ? Ici, c’est le « nom imprononçable » burger, qui, étonnamment, est le plus cher… (quand je dis le plus cher, ça veut quand même dire menu à moins de 6 euros…) je le choisi donc, et lorsque ce dernier arrive, j’ai la surprise de constater que le pain est ouvert, il qu’il n’y a que la viande dedans, coupée et cuite à l’asiatique (en long morceaux plats). Original, spécialité du chef apparemment. On me propose alors la sauce également spécialité du chef, que je dois ajouter moi-même ainsi que tous les autres ingrédients qui me font envie parmi le gros buffet à disposition des clients. Je reste raisonnable et me concocte un hamburger d’une taille correcte. Le temps d’empaqueter mes frites, mon Sprite et de finir cette phrase, et me voilà de retour chez moi, à déballer mon précieux repas.

Je rappelle que mon appartement n’est pas fourni, ce qui veut dire qu’à part le lit gonflable (car il s’agit bien d’un lit, m’arrivant aux hanches), il n’y a rien d’autre dans la pièce que la moquette et mes affaires. Ne voulant pas salir la moquette, je mange debout devant la gazinière, ce qui a le don de me faire me sentir un peu minable… on peut pas apprécier un hamburger debout devant une gazinière, Macdonald a bien compris ça.

Arrivé au milieu du repas, je reçois un SMS de mon estomac indiquant dans un français haché par l’urgence qu’il ne faut surtout pas que j’envoie ces frittes gratinées d’huile dans mon œsophage, car les gardiens de l’entrée principale sont en grève et qu’ils renverront tout coli à l’expéditeur. Je jette donc le reste du repas, réalisant que je n’ai pas pu en finir un seul depuis mon arrivée aux USA, avion compris. Mmh, en fait retirez cette remarque sur l’avion, nous parlions ici de repas.

Pour faire bonne mesure, j’envoie quelques pêches aux grévistes furieux, lesquels les accueillent avec plaisir. Il faut savoir qu’à 5 minutes à pied de chez moi se trouve une grande surface de produit bio. Une vrai grande surface, style carrefour, mais avec uniquement des produits naturels. Ça a été un vrai soulagement de le découvrir, même si les prix sont plus élevés que le reste, de toute façon ils ne dépassent pas ceux français, sauf peut-être concernant les fruits. Mais ceux-ci, à défaut d’être excellents, sont de qualité, et un véritable nectar pour mon estomac détraqué.

Bien qu’il ne soit que 22h je suis déjà crevé. Je m’écroule délicatement sur mon lit et m’endors en moins de 15 minutes avec l’idée que demain sera un véritable défi : j’aurai des tonnes de choses à régler, et serais seul pour le faire. La décharge d’adrénaline qui me traverse à cette idée me laisse penser que cette journée va être extra.

Et, tonnerre de Brest ! je peux d’ors et déjà vous le dire : « extra » est un mot faible pour décrire ce qu’aura été cette journée !

vendredi 13 août 2010

Holy Crap ! I'm in Texas !


Dramatis personae :

Vincent Desgrippes : Français. Héros, étudiant en cinéma partant étudier aux Etats-Unis. Aussi connu sous le pseudonyme « je ».

Hannah Bisewski : Américaine. Amie de Vincent Desgrippes, rencontré à Paris début 2010.

Renée Stairs : Américaine. Amie de Vincent Desgrippes, rencontré à Paris début 2009, et rentrée aux Etats-Unis depuis juin 2009.

Katie (nom de famille non communiqué) : Américaine. Meilleure amie d’Hannah Bisewski. Taxi.

John : Indien. Passager du vol Paris – Atlanta.

Chaptire 1 : Holy Crap ! I’m in Texas !

Et c’est alors que le cochon dinde me dit « L’équipe de France va effectuer demain son premier match depuis le fiasco de la coupe du monde, est-ce que le chevalier Blanc fera la différence ? »

Après un instant de réflexion, je me dis que quelque chose cloche. Non pas que le cochon d’inde porte un bermuda à fleur et danse sur un parapluie, ça je n’y voyais rien à redire, mais pourquoi me faisait-il la liste des joueurs participant au match et enchainait avec la météo ?

Je me décide finalement à ouvrir les yeux et à écraser d’une main maladroite le réveil qui continuait à débiter des informations sur la journée à venir, laissant mon rêve animalier s’évaporer doucement.

Il est 6 heures du matin en cette journée tant attendu du 10 août. Nous avons dormis 4 heures après avoir été bloqué dans des bouchons sur les coups de 23h/minuit pour cause de travaux sur l’autoroute, ainsi que sur le pont menant à Saint-Denis. Parce qu’à Saint-Denis, quand ils font des travaux, ils s’appliquent à respecter à la lettre la politique d’emmerdement du département, à savoir qu’ils les font tous en même temps : Métro, tram et route. Si bien que si un citoyen lambda (du genre moi) veut se rendre dans cette ville si particulière (après tout, j’y habite) eh ben il peut pas. Ou très difficilement. Je devine que la prochaine étape sera de construire de grands murs tout autour et de balancer un virus extrêmement contagieux dedans, pour voir.

Une fois à l’aéroport, en compagnie de mes parents et d’Andréa, je retente le coup du surclassage (ou surclassement, je sais pas). (Pour ceux n’ayant pas suivis le blog de Thaïlande / Malaisie, au retour de notre voyage nous avons endossé des costumes méga classes acheté sur place, et joué de notre humour pour se faire surclasser, ce qui a marché.)

Le bon plan étant de faire le check in des billets avec une hôtesse à l’air sympathique. Je me dirige donc l’air confiant vers le comptoir, habillé de ma plus belle veste. Le mec à l’air fatigué et à la mine patibulaire me refroidi rapidement. Pas le temps de commencer mon petit numéro qu’il me facture 100 euros de surpoids de bagages. Comme ça : PAF ! (en même temps je vous y verrais bien de faire un sac de moins de 23kg pour un an ! Et puis bon, quand on est un peu flexible, 30kg c’est pas bien loin de 23…). L’ennui, c’est que le mec lui, il a la flexibilité d’une poutre en chêne. J’essaye quand même d’instiller en lui une vague idée de surclassement, ce qui échoue lamentablement, n’étant pas un vieux possesseur d’une carte Air France bourrée de points. Mon argument d’étudiant qui paye généreusement 100 euros d’imprévu ne semble pas l’émouvoir plus que ça.

Bon, eh ben je serais bien sapé en classe éco. Si j’avais pas pété un bouton de mon épaulette en posant mon sac une heure plus tard, ça ne m’aurait pas gêné plus que ça.

Après des adieux forcément émouvants, je passe la douane et la vérification de bagages. J’ai la chance de biper au portique, ce qui me vaut l’apparition d’un grand black méga baraqué en costard, qui me regarde d’un œil amusé, le sourire aux lèvres, et me montre la paume de ses mains en me demandant innocemment « Je peux ? ». Imaginez John Caffé de La Ligne Verte qui vous propose de sa voix de baryton une fouille en règle. « Mais avec plaisir ! » répondis-je d’un ton ironique. S’en suit une fouille de chaque recoin de mes vêtements, un palpage minutieux de mon corps de rêve, et un touché rectal. Bon, peut-être pas ce dernier point, mais c’était pas loin.

Une fois dans l’avion, parti pour un vol de 10h jusqu’à Atlanta, je fais la rencontre de John et Sandra (ça doit être l’idée que je pars aux Etats-Unis, mais je me sens beaucoup plus social que d’ordinaire, et la conversation démarre très rapidement et se poursuivra sur au moins 6 des 10 heures). Sandra est une grand-mère américaine sympa qui se propose pour me pistonner dans une grande marque de magasin à Austin dont elle a été gérante, et John… Comment dire… John est vraiment cool. John est indien (d’Inde…), et ça s’entend très très fort de par son accent lorsqu’il parle anglais, si bien qu’il a du répéter environ un tiers de tout ce qu’il m’a dit durant le voyage. La première chose qui m’a plu chez John, ça a été son prénom. Lorsque je m’attendais à un nom impossible à retenir du genre Shratapipalatik, j’ai eu droit à « John », et j’étais content. John est un étudiant ingénieur qui vient de finir son cursus en Inde, et va le poursuivre aux States. Et là je m’adresse principalement aux messieurs : vous allez aimer ce que fait John.

Pour faire bref, rappelez-vous des films comme Minority Report ou Iron Man, lorsque les personnages manipulent des éléments holographique 3D. John fait ça. Il ne conçoit pas des effets spéciaux pour des films, mais il fabrique des logiciels et machines permettant de manipuler des éléments holographique 3D. Un exemple parlant : il met un gant spécial, sa paire de lunette lui permettant de voir un monde holographique, et grâce à cette dernière il voit un verre qui n’existe pas dans la réalité. Il tend la main, et le saisi grâce à son gant, qui a l’information de ses contours, et du coup se durci autour, donnant l’impression aux doigts de réellement tenir un verre. Encore une fois je m’adresse aux messieurs : ces technologies sont entrain d’être appliqués aux jeux vidéos, que John a pu tester (il a notamment évoqué Call of Duty), sachant que la Play Station 3 supporte cette technologie.

Nous allons maintenant laisser ces messieurs à leur érection passagère et continuer ce récit. Le vol allait bon train (plutôt paradoxale pour un avion…) lorsque deux éléments sont venu perturber mon calme olympien : apparemment lors de l’escale à Atlanta, je suis supposé récupérer mon sac de 30 kilos et le transférer moi-même en étant soumis à la fouille (comme toute personne reprenant un avion pour les Etats-Unis). D’un coup, les deux heures que j’avais pour changer d’avion me paraissent bien courtes. Le deuxième point qui m’inquiète est que mes compagnons ont eu à remplir deux documents, dont un très gros très long en carton, qu’on ne m’a pas donné. Je me renseigne auprès du Stewart, qui m’assure que parce que je suis français j’ai rempli le formulaire Blabla sur internet, et que du coup ce n’est pas nécessaire. Cool, au moins un petit privilège d’être français !

Notre avion arrive avec 20 minutes de retard, ce qui a le don de nous donner – à John et moi – l’envie de faire un tour dans la cabine et de taper la tête du pilote sur son tableau de bord en lui hurlant que s’il ne se grouille pas les miches, elles risquent fort d’atterrir avant lui (John a son vol une minute après le mien).

Atterrissage, et passage à la douane. Près de 40 minutes de queue, ce qui me laissera une heure pour faire le transit de bagage. Tranquille. Je panique pas. Pas du tout. Surtout quand une hôtesse me dit d’un air inquiet « oh, ça devrait le faire… ». Aha.

Passage à la douane avec derrière la vitre un gars qui aurait pu jouer dans Full Metal Jacket. Première remarque : « Ooooh hoho ! Mais il manque le deuxième document en carton ! » (d’un air « je suis désolé mais t’es dans la merde mon gars »), je lui explique alors que le Stewart m’a dit qu’étant français j’avais rempli le formulaire Blabla sur internet, et que j’avais pas besoin de remplir le carton. Il réplique que le Stewart est un abruti car si il savait que je reprenais un vol à l’intérieur des Etats-Unis (et il le savait) ça ne s’appliquait pas ici, seulement si Atlanta ou un autre pays du monde était ma destination finale. Un bref coup d’œil derrière moi me permet de voir qu’il reste près de 100 personnes, c’est à dire autant qu’il n’y en avait devant moi. Voyant mon air dépité, mon Sergent Instructeur me dit « ok, on peut pas le remplir là parce que trop de monde attend, mais tu vois les tables au fond là-bas ? Tu prends le document en carton, tu rempli tout ce que tu peux, puis tu grilles toute la ligne par là et tu sautes en gesticulant pour que je te voix. Vu ? »

Ni une ni deux je fonce remplir mon formulaire méga long la mort dans l’âme, puis grille la file en me faisant engueuler par un agent chargé de la surveiller. Je me préoccupe à peine de lui dire que j’ai un deal avec Mel Gibson et me met à porté de vue de ce dernier. Cette fois-ci ça passe. Il reste 50 minutes.

Je cours récupérer mon sac qui a largement eu le temps d’être déchargé, puis cours (enfin, autant que possible avec un sac de 30 kg et un bagage à main de 13) le reposer où un mec ressemblant fort à Bob Marley (mais avec 100 kilos de plus et une musculature de folie) m’assure qu’il est bien sur le bon tapis roulant.

Je pose alors mon regard sur la file d’attente pour passer aux fouilles. Le cœur au bord des lèvres je réalise qu’il y a là près de 500 personnes. Un labyrinthe énorme ponctué d’agents criant pour déplacer le troupeau de voyageurs. Le début de la file étant à l’autre bout de la pièce, je m’y dirige à pas très vif, en essayant de me calmer. Mais je suis arrêté au milieu par une femme m’interpelant tandis que nous marchions dans la même direction « je rêve où vous venez de me doubler ? ». Nous n’étions pas dans la file d’attente, du coup je lui offre un regard surpris et répond « j’ai fais ça ? », « mais oui, vous m’avez doublé ! » (outrée). Bon, je marche à son rythme derrière elle pour pas qu’elle pique une crise. Plus tard je réaliserais qu’elle est Française.

La queue avance vite, on s’arrête rarement de marcher, mais 500 personnes ça reste très long et l’heure tourne. Un américain derrière moi engage la conversation, et nous plaisantons sur le fait que la douane nous dirige comme du bétail. Il revient de France avec ses enfants et se dirige vers Washington DC. Lorsqu’un de ses gosses lui demande s’ils vont avoir leur avion, il lui répond « Mais oui, t’inquiète, il est à 17h30. Le monsieur là par contre… il va avoir plus de mal. » Merci pour le moral.

Au final la queue se termine, et c’est en plaisantant avec les agents de douane que je passe, sans biper cette fois. A mes côtés, John Caffé version 2.0 semblait déçu.

Je fonce ensuite prendre un métro intra-aéroport (pour changer de terminal) et arrive devant ma porte à 10 minutes du départ. L’embarquement semble être sur le point de commencer (petit avion) alors je demande à l’hôtesse si le billet que j’ai me sert bien à embarquer (il y a eu tellement d’opérations différentes que je n’en étais même plus sûr,) C’est le cas, je prend alors le temps de me calmer, et laisse passer tout le monde devant moi. J’m’en fout, je vais avoir mon avion de toute façon. Je suis heureux.

Le second vol dure deux heures, et quand la gamine assise à côté de moi ignore mon bonjour (je comprend pas pourquoi d’ailleurs, je suis sûr d’avoir adopté un regard normal, sans baver… enfin je crois) j’en profite pour me plonger dans ma bulle musicale pour la première fois de la journée, et somnole en voyant défiler le sol américain. Par moments, d’immenses lignes d’arbres coupés très net, assez larges pour se voir depuis un avion, et de loin plus larges qu’une autoroute, s’étendent jusqu’à l’horizon. Je me demande s’il ne s’agit pas là de frontière pour séparer les Etats.

Nous nous posons finalement sur le sol texan, et un grand monsieur bedonnant à l’air sympathique, arborant de grosses rouflaquettes finissant en moustache sous un nez légèrement rougi lance joyeusement derrière moi « Welcome to Texas folks ! ».

Alors je réalise, un peu, que ça y est. J’y suis.

Un grand sourire m’étire encore les lèvres quand je me lève pour prendre mon sac. Le moustachu, qui aurait déjà pu partir, choisi de me laisser passer avec un gentil « go ahead buddy » vrombissant d’accent texan. Le sourire s’accroche.

Je sors de l’avion avec un petit salut au commandant de bord accompagné d’un « bye Cap’tain ». Il faut savoir que ce dernier, au moment d’embarquer, est sorti de l’avion d’un air furieux en poussant une grosse valise devant lui : « c’est décidé, plus un seul bagage de plus de 5 kilos ne rentre ! », et, devant l’air dépité de tous les passage, a juste rajouté, d’un air beaucoup plus clame, un « Non j’déconne. » Alors, forcément, je l’aime bien.

La vague de chaleur qui m’accueille en sortant de l’avion est semblable à une équipe de football américain percutant un spectateur rentrant dans un stade.

Pas de passage en douane cette fois-ci (ce qui m’étonne, vu la rigueur éprouvée à Atlanta), mais loin de m’en plaindre, je m’en réjouis en chantonnant et effectuant une danse de la victoire (autant que faire se peut avec un sac de 30 kilos).

J’attend Hannah et son amie Katie pendant une bonne heure (le problème de ne pas pouvoir se contacter par téléphone…) et après des retrouvailles plus que bienvenue après cette longue journée rempli d’émotions, j’embarque dans leur four – enfin, leur voiture - direction Austin !

Mes deux compagnes de bord s’improvisent guide touristique, et le rire est constamment au rendez-vous. Cependant, je commence à me sentir stressé : je découvre une ville que je ne connais absolument pas, qui ne ressemble à rien de ce que j’ai déjà visité, et le fait de me sentir complètement perdu au milieu de cette cité américaine m’effraye.

Direction l’agence immobilière pour récupérer les clefs de mon appartement, puis l’appartement en question. J’habite dans un complex d’appartements, tous entourant une petite cour. Le mien est au premier étage (sur un total de 1 étage). Surprise est de constater que l’appartement est déjà ouvert, et que Renée, passée plus tôt, est venu me déposer un matelas gonflable pour la nuit.

Surprise est également de constater que la clef ne ferme pas la porte, image assez étonnante, comparable à la vision un français en grève pour un américain. Nous restons donc une petite heure à discuter, jusqu’à l’arrivée de Renée. Là, les retrouvailles sont plus intenses. Cela fait plus d’un an que nous ne nous sommes pas vu.

Hannah et Katie nous laissent, et nous partons manger un repas mexicain. Des fajitas d’un goût nouveau, excellent. Le plat fait la taille de mon salon. J’en mange un tiers, à cause du stress et de la fatigue qui à eux deux font barrage à l’entrée de mon estomac.

Renée me redépose à l’appart à 21 heures, heure locale, 4 heures du matin heure française. La fatigue n’est plus qu’un mot lointain ayant une vague ressemblance avec l’état dans lequel je suis alors. Juste le temps de régler mon réveil sur 10h du matin et je m’effondre sur mon matelas. Je me relève alors du sol avec un grognement, me rappelant que ce trampoline est un matelas gonflable, et m’y effondre une deuxième fois, plus doucement et en évitant les côtés.

10 minutes plus tard, je dors (ceux qui connaissent mes rapports houleux au sommeil reconnaitront l’exploit), fin prêt à affronter ma première journée à Austin.

Du moins, c’est ce que je croyais.